Dans son premier film présenté au public tunisien, Mehdi Ben Attia pose un regard tendre et complice sur le désir féminin.
Par Fawz Ben Ali
Le coup d’envoi de la 28e édition des Journées cinématographiques de Carthage (JCC 2017) a été donné dans la soirée du samedi 4 novembre 2017 avec la cérémonie et le film d’ouverture ‘‘Ecrire sur la neige’’ de Rachid Masharawi, au cinéma le Colisée. Mais le festival n’a véritablement démarré que le lendemain, dimanche, premier jour des projections.
Habituellement calme en ce jour de repos, l’avenue Habib Bourguiba était exceptionnellement surpeuplée; comme chaque année, ce sont les JCC qui créent une ambiance particulière au centre-ville de Tunis.
Raouf Ben Amor et Hafsia Herzi: le beau-père et la belle-fille, jeune veuve.
L’art, le désir et le rapport homme-femme
Dès le premier jour, on notait déjà de longues files d’attente devant quasiment toutes les salles. Mais en fin d’après-midi, la foule était particulièrement énorme à l’entrée de la salle Le Palace pour découvrir ‘‘L’amour des hommes’’, le tout nouveau film de Mehdi Ben Attia.
Prévu de sortir en 2018, ‘‘L’amour des hommes’’ a été présenté dimanche soir hors compétition dans la section parallèle «Regard sur le cinéma tunisien».
Après ‘‘Le fil’’ (2010), interdit de sortie en Tunisie, et puis ‘‘Je ne suis pas mort’’ (2012), Mehdi Ben Attia nous revient avec nouveau film sur l’art, le désir et le rapport homme-femme.
Accompagné du producteur Habib Attia et de quelques acteurs du film, Mehdi Ben Attia était assez ému de se retrouver devant le public tunisien, lui qui n’a jusque-là jamais pu présenter ses créations dans des salles tunisiennes.
La jeune veuve découvre une nouvelle passion, celle de photographier les hommes.
Le casting réunit Hafsia Herzi, Raouf Ben Amor, Sondos Belhsan, Haithem Achour, Oumaima Ben Hafsia et le danseur et chorégraphe Rochdi Belgasmi, qui fait sa première apparition sur le grand écran. On notera également une brève apparition du cinéaste Férid Boughdir, invité d’honneur du film.
‘‘L’amour des hommes’’ raconte l’histoire d’une jeune veuve qui, après la mort de son mari, décide de continuer à vivre chez ses beaux-parents, incarnée par Hafsia Herzi, figure du cinéma franco-maghrébin, révélée en 2007 par Abdellatif Kechiche dans ‘‘La graine et le mulet’’.
Dans la solitude et le désespoir, le personnage d’Amel se réfugie dans sa passion pour la photographie, soutenue par son beau-père (joué par Raouf Ben Amor).
Regarder les hommes comme les hommes ont tendance à regarder les femmes.
Le corps masculin dans le regard d’une femme
Dans l’une des premières scènes du film, le cinéaste fait un beau clin d’œil féministe, révélant le message qu’il souhaite transmettre : à l’enterrement de son mari, Amel décide d’être présente sous le regard accusateur de tous les hommes qui l’entouraient. «Une femme ne peut pas assister à un enterrement», lancent-ils. Mais le beau-père, lui, adhère à cette présence «illicite» et fera de même tout au long du film en soutenant la jeune femme dans l’aventure qui fera d’elle un personnage féminin pas comme les autres.
Habituée à faire des autoportraits ou à photographier des paysages quelconques, Amel se découvre une nouvelle passion, celle de photographier les hommes. Ainsi, des inconnus se mettent à défiler devant l’objectif de la jeune artiste qui découvre à nouveau le corps masculin, et se lance dans la photographie érotique, sous l’œil admirateur du beau-père qui finira lui-même par poser pour elle. «L’idée vient de mon précédent film où j’ai cherché à approfondir les mêmes thématiques», explique le cinéaste lors du bref débat qui avait suivi le film.
Derrière son objectif, Amel révolutionne le rapport homme-femme en «dominant» ses modèles.
Si dans ‘‘Le fil’’ Mehdi Ben Attia a abordé sans concession le sujet de l’homosexualité masculine (ce qui lui avait valu une interdiction de projection en Tunisie à l’ère de Ben Ali), il garde le corps masculin comme première thématique dans ce nouveau film mais nous propose de le voir avec l’œil d’une femme qui ne craint pas les interdits.
‘‘L’amour des hommes’’ nous invite à regarder les hommes comme les hommes ont tendance à regarder les femmes, c’est-à-dire comme un corps désirable; le cinéaste souhaite ainsi bousculer les stéréotypes de genre dans les sociétés patriarcales qui ont toujours tenu à sexualiser la femme.
Mehdi Ben Attia a réussi à se mettre dans la peau de son personnage principal et à explorer les sentiments féminins les plus intimes, chose qui n’aurait pas été évidente sans la justesse du jeu et le naturel inouï de Hafsia Herzi. Bien qu’elle ne maîtrise pas le tunisien, la jeune actrice a su s’intégrer au cadre tunisien du film et servir l’image voulue par le cinéaste, à savoir, une femme artiste et puissante.
Mehdi Ben Attia présente son film au public des cinéphiles.
Derrière son objectif, Amel révolutionne ce rapport en «dominant» ses modèles pour en faire des portraits d’hommes qui nous rappellent que le corps masculin est aussi désirable que le corps féminin.
Malgré la vivacité des dialogues et l’audace de l’image, le film demeure assez plat avec un récit linéaire où les événements se succèdent mais se ressemblent autours d’un personnage qui aurait pu être mieux construit.
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