Aux dernières JTC, on a vu une pièce française qui parle d’une terre et d’un peuple assiégés, une évocation douloureuse du drame de la Palestine.
Par Fawz Ben Ali
Dans le large choix proposé par le programme de la 19e édition des Journées théâtrales de Carthage (JTC-2017), qui ont été clôturée samedi 16 décembre 2017, il y a eu la section non-compétitive «Théâtre du monde», une occasion inédite pour découvrir d’autres cultures à travers le 4e art.
Jeudi dernier, 14 décembre, le vieux petit théâtre El-Hamra, situé au milieu de la rue très mouvementée de Bab El-Jazira, au centre-ville de Tunis, a accueilli l’unique pièce française de cette édition ‘‘L’homme aux petites pierres encerclé des gros canons’’ de Sébastien Benedetto.
Solidarité palestinienne
Les férus du théâtre français ne pouvaient pas rater un pareil rendez-vous pour voir pour la première fois en Tunisie l’adaptation d’un vieux texte signé André Benedetto, poète et dramaturge ayant percé dans le théâtre français depuis les années 60. Aujourd’hui, c’est son fils le metteur en scène Sébastien Benedetto qui remet au goût du jour cette pièce plus que jamais d’actualité sur le conflit israélo-palestinien.
Joué par le collectif Le Bleu d’Armand, ‘‘L’homme aux petites pierres encerclé par des gros canons’’ est une pièce 100% française et 100% engagée pour la cause palestinienne. Sa programmation aux JTC tombe à pic avec l’élan de solidarité exprimé par la direction du festival suite à la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël par le président américain Donald Trump.
Le titre dit déjà beaucoup sur le contenu, il nous fait instantanément penser au peuple palestinien, chose qui se confirme au fur et à mesure que les actes se succèdent.
Un homme et trois femmes sur scène jouent tour à tour une multitude de personnages. On ne connait rien sur le lieu ou le temps et on ne cite à aucun moment le nom d’une ville, d’un pays ou d’un dirigeant; mais tout nous fait croire qu’il s’agit bien de la terre palestinienne occupée.
Dans cette unité de lieu qu’on a appelée «le dernier carré sur terre d’un pays assiégé», on nous fait vivre toute l’angoisse des enfants, des mères, des vieillards et de tous les résistants.
«Cette histoire n’est évidemment pas d’actualité puisque personne n’y prête attention !», lance le premier personnage au début de la pièce sur un ton ironique qui marquera quasiment tout le texte où l’humour noir, le non-sens et l’absurdité des scènes de la vie font la force de la pièce.
Le silence déraisonnable du monde
En quatre actes, on nous transpose sur les planches la privation, l’humiliation et l’exécution de tout être privé de ses droits les plus essentiels lorsqu’il est pris au piège «d’une guerre qui ressemble à toutes les guerres», nous dit-on pour souligner l’universalité du texte.
Mais au-delà des politiques, des frontières et des fantomatiques droits de l’Homme, la pièce met surtout le doigt sur ce qui fait le plus mal, c’est-à-dire l’indifférence aux appels de détresse. «L’absurde naît de cette confrontation entre l’appel humain et le silence déraisonnable du monde», la pièce semble affirmer cette pensée camusienne et donner un aspect philosophique tragique aux politiques actuelles.
Malgré la violence des situations, le texte et notamment les monologues restent d’une grande poésie portant en eux des messages forts tout en subtilité et chaque acte fut conclu par une chanson pour dire malgré tout qu’il y a toujours un soupçon d’espoir quelque part. «J’ai tenu, je tiens et je teindrai des décennies encore, des siècles s’il le faut, collé à ce pays dans une étreinte légitime et éternelle !», conclut le personnage pivot.
Vers la fin de la pièce l’émotion était particulièrement palpable sur les visages des comédiens qui ont laissé couler quelques larmes au moment de tirer leur révérence.
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