En l’absence d’une justice fiscale, en Tunisie, ce sont les consommateurs qui vont continuer à payer le plus d’impôts et de taxes, proportionnellement à leurs revenus.
C’est la conclusion de la Datanalysis N° 13 publiée par l’Observatoire tunisien de l’économie (OTE), le 22 janvier 2018. L’article «Justice fiscale: la question au cœur de la loi de finances», écrit par le président de l’OTE, l’économiste Chafik Ben Rouine, par du constat de l’apparition du Mur de la dette, en 2017, et des difficultés auxquelles fait face le gouvernement tunisien pour faire face à cette situation inédite de surendettement public et d’insuffisance des recettes de l’Etat, qu’elles soient fiscales ou autres. Aussi la question de la justice fiscale est-elle devenue essentielle. «Comment répartir le fardeau fiscal supplémentaire pour faire face à ce Mur de la dette?», c’est la question que se pose le gouvernement, mais y répond-t-il vraiment de manière adéquate et, surtout, équitable ? Rien n’est moins sûr.
«Alors que les recettes de l’impôt sur le revenu des personnes physiques (IRPP) ont augmenté de manière vertigineuse jusqu’en 2016, elles ont stagné en 2017 et sont prévues en baisse pour 2018. En effet, en pleine austérité et du fait du refus catégorique du FMI d’augmenter les salaires pour les fonctionnaires, cette augmentation a été transformée en crédit d’impôts, c’est-à-dire en réduction d’impôts, baissant ainsi d’autant leur contribution fiscale pour ces deux années», fait remarquer Chafik Ben Rouine, qui ajoute, qu’«en parallèle, sous pression du patronat, le gouvernement n’a pas renouvelé la contribution exceptionnelle pour l’année 2017 de 7,5% au titre de l’impôt sur les sociétés (IS)». Aussi, pour 2018, a-t-il «choisi d’affiner sa stratégie en augmentant l’IS à 35% pour les grandes surfaces, les concessionnaires automobiles et les franchises étrangères tout en abaissant l’IS à 20% pour les PME», souligne encore l’économiste, qui constate que cette stratégie ne va pas augmenter la contribution fiscale espérée des entreprises et qu’elle risque même de la faire légèrement baisser.
«Dès 2015, le FMI pressait les gouvernements successifs, sans succès, d’élargir le champ d’application de la TVA et de passer de trois taux (6%, 12% et 18%) à deux taux uniquement (6 et 18%) en faisant passer le taux de 12 à 18%. Face au Mur de la dette et acculé, ce n’est qu’en 2017 que le gouvernement a décidé d’élargir le champ d’application de la TVA et c’est enfin, en 2018, qu’il a préféré augmenter les trois taux de TVA de 1% plutôt que d’augmenter de 6% le taux intermédiaire», écrit Chafik Ben Rouine.
Résultat des courses : ce sont, finalement, les consommateurs, à travers les impôts les plus injustes, TVA et droits de consommation, qui continuent de supporter le fardeau fiscal pour faire face au Mur de la dette en 2017 et 2018, déplore encore l’économiste, dont la conclusion est sans ambages: «Sans prise de conscience de l’enjeu primordial de la justice fiscale, ce sont les consommateurs qui gagnent le moins qui vont payer le plus, proportionnellement à leurs revenus, les pots cassés de l’ajustement structurel imposé à la Tunisie.»
I. B.
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