L’exploitation accrue des enfants tunisiens au travail inquiète le Réseau euro-méditerranéen des droits de l’Homme (EuroMed Monitor).
Par Marwan Chahla
Dans un communiqué rendu public aujourd’hui, mercredi 7 février 2018, l’EuroMed Monitor déclare que «l’exploitation des enfants en Tunisie s’est considérablement aggravée.»
Selon les chiffres dont dispose l’EuroMed Monitor, et qui lui ont été fournis par l’Institut national de la statistique (INS) et le ministère des Affaires sociales, plus de 215.000 enfants tunisiens travaillent. Cela veut dire que, dans notre pays, 9,5% des enfants âgés de 5 à 17 ans sont employés et que 176.000 de ces travailleurs sont âgés de moins de 16 ans.
Les causes du phénomène du travail des enfants
Bien qu’il y ait en Tunisie une législation qui interdit le travail des enfants, EuroMed Monitor estime que celle-ci ne répond pas aux règles internationales. Conséquence : ce phénomène du travail des enfants en Tunisie n’a cessé de s’étendre, explique EuroMed Monitor.
En effet, le Code du travail tunisien permet l’emploi des enfants sous certaines conditions, alors qu’aucune stratégie, vision ou mécanisme gouvernemental clairement définie n’existe dans le pays pour traiter ce phénomène et réduire l’emploi des enfants.
Une équipe d’Euro-Med Droits a mené une enquête sur le terrain en Tunisie afin de déterminer les raisons qui poussent les enfants tunisiens au travail. Les causes du phénomène du travail des enfants sont évidentes et bien connues de tous: il s’agit de la pauvreté, du taux élevé de décrochage scolaire, du manque de soutien administratif et psychologique aux familles nécessiteuses, particulièrement celles des régions du nord-ouest et du sud-est du pays. Cet ensemble de facteurs ont ainsi poussé les enfants à quitter l’école pour le travail.
Le fait est établi: plus de 100.000 enfants quittent chaque année l’école en Tunisie.
Et le triste fait s’impose également que plus de 50% des enfants tunisiens qui exercent un travail, c’est-à-dire 136.000, le font dans des conditions dangereuses, selon Euro-Med Droits. De plus, 20% d’entre ces enfants travailleurs souffrent de différentes persécutions psychologiques et subissent plusieurs contraintes physiques, y compris celles des humiliations et des insultes de leurs employeurs, des très longues heures d’un travail harassant ou des tâches éreintantes accomplies dans des conditions interdites par la loi tunisienne.
En outre, ce phénomène de l’exploitation des enfants au travail ne fait pas de différence entre les sexes, puisque les adolescentes, elles aussi, sont soumises à ce régime: parmi les 78.000 d’aides ménagères que compte la Tunisie, 17,8% sont des filles souvent très jeunes.
La loi tunisienne doit être mieux explicitée
«Bien que le parlement tunisien ait adopté une loi contre la violence faite aux femmes et que cette mesure criminalise l’emploi des enfants comme aides ménagères, cela n’a pas eu pour effet d’éliminer ou de réduire ce phénomène, en raison du mauvais contrôle gouvernemental de ces nouvelles dispositions légales», dénonce Yahya Ashraf, chercheur auprès d’EuroMed Monitor pour les Affaires nord-africaines, qui explique cet échec par le fait que «la loi tunisienne en la matière ne précise pas l’âge minimum légal du travail de l’enfant. Bien que les références au travail des enfants et à leurs droits existent çà et là dans certaines lois du pays, ces dispositions souffrent de très nombreuses lacunes sérieuses.»
EuroMed Monitor appelle donc les autorités tunisiennes à adopter des dispositions légales ciblant la protection des enfants contre l’exploitation économique et à passer en revue tout le système légal tunisien portant sur le travail des enfants. De plus, les systèmes légaux doivent, selon EuroMed Monitor, se conformer aux standards internationaux et au droit universel de l’enfant à l’éducation, dans l’intérêt suprême de celui-ci.
Au travail, messieurs les députés. Au travail, messieurs les ministres concernés et le chef du gouvernement !
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