Fadhel Abdelkefi estime que, sur le plan économique, «la Tunisie pourrait aller très loin et devenir un vrai dragon économique africain». À conditions…
L’économiste et ancien ministre du Développement, de l’Investissement et de la Coopération internationale, qui avait assuré aussi pendant quelque temps l’intérim des Finances, intervenait aujourd’hui, lundi 12 février 2018, dans le cadre d’un forum économique organisé par l’Université Tunis Carthage, à la Soukra, a évoqué un certain nombre de solutions permettant, selon lui, de redresser la situation économique délicate que traverse la Tunisie.
Pour mieux comprendre les facteurs ayant conduit à la conjoncture actuelle, M. Abdelkefi a rappelé qu’avant 2011, la Tunisie enregistrait un taux d’inflation ne dépassant pas 3%, un déficit budgétaire de 1%, une croissance moyenne annuelle entre 4 et 5%, outre un pactole de 3,5 milliards de dinars placé à la Banque centrale de Tunisie (BCT) pour le compte du trésor public, suite à la cession de participation de l’Etat dans l’opérateur téléphonique Tunisie Telecom. «La Tunisie avait à cette époque des indicateurs économiques conformes aux exigences européennes, dites de Maastricht», a-t-il déclaré.
Quelles sont donc les raisons qui ont mené à la situation actuelle? L’économiste a expliqué que «le premier gouvernement d’après la révolution, sous la pression de la rue, avait appliqué une politique budgétaire expansionniste ou la politique de Go & Stop. Nous avions un budget de l’Etat de 18 milliards de dinars qui est passé subitement à 34 milliards de dinars en moins de 6 ans. Les différents gouvernements ont fait passer la masse salariale de la fonction publique de 6,5 milliards de dinars à plus de 15 milliards de dinars. La dette publique est passée de 25 milliards de dinars à plus de 70 milliards de dinars. Cette même dette représente désormais plus de 60% du PIB au lieu de 40% en 2011. Un système financier qui souffre d’un manque de liquidité de 12 milliards de dinars chaque jour, tandis qu’il était en abondance de liquidité».
Avant d’énumérer les pistes pour une sortie de crise, Fadhel Abdelkefi a estimé qu’il fallait d’abord commencer par dire la vérité aux Tunisiens et ne pas leur mentir par omission. «A mon avis, l’Etat devra se concentrer aujourd’hui sur les domaines de souveraineté, tels que l’éducation, l’enseignement supérieur, la culture, le sport, la défense nationale, la sécurité, les transports et la santé pour pouvoir rendre un service décent aux citoyens», a-t-il estimé. «L’Etat ne peut pas être dans ces secteurs stratégiques et en même temps être actionnaire dans des banques publiques ou être distributeur de pétrole, régie de tabac, compagnie aérienne, etc. Il devra donc démobiliser sa puissance financière sur ces derniers secteurs et la relocaliser dans les secteurs de souveraineté», a-t-il aussi préconisé.
Concrètement, l’invité de l’UTC a suggéré, à titre d’exemple, que l’Etat pourrait donner ses banques en concession pendant 30, 40 ou 50 ans, comme l’a fait la Turquie. Une technique qui lui permettrait d’engager plus de fonds pour améliorer les services hospitaliers, les services de transports, l’enseignement, etc.
Il a, par ailleurs, abordé la question des réformes devant toucher la fonction publique et qui consistent en le gel des salaires dans la fonction publique, le redressement des caisses sociales nationales et le recentrage du rôle de l’Etat.
«Je reste extrêmement optimiste pour l’avenir du pays pour des raisons intégralement objectives. Il ne s’agit pas ni de chauvinisme, ni d’un excès d’amour du pays», a averti M. Abdelkefi. Et d’ajouter : «La Tunisie possède certains points forts comme l’émancipation de la femme, la logistique, l’éducation, la société civile, la proximité de l’Europe, etc.», rappelant au passage que la Tunisie, à titre d’exemples, produit le nombre de médecins et de pharmaciens le plus important d’Afrique, qu’elle détient les meilleurs techniciens et qu’elle est aussi le centre mondial de l’automobile.
«C’est un pays qui pourrait croître à deux chiffres si nous arrivons à prendre certaines décisions qui sont douloureuses mais nécessaires», a-t-il conclu, considérant que la Tunisie disposait d’hommes courageux capables de prendre des décisions de bon sens.
Reste une question qui mérite d’être posée : pourquoi M. Abdelkefi n’a-t-il pas préconisé la cession des banques publiques et autres entreprises publiques opérant dans les secteurs concurrentiels, quand il était ministre des Finances par intérim ?
Il est, il est vrai, plus facile de faire des propositions impopulaires quand on est en dehors du gouvernement et qu’on ne risque pas de perdre son poste.
I. B. (avec communiqué).
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