La loi tunisienne ne prévoit pas de limitation du gibier chassé.
Un post sur Facebook d’un club de chasse libanais faisant la publicité d’excursion de chasse en Tunisie a choqué les internautes par les photos terrifiantes illustrant cette annonce.
Par Marwan Chahla
Très largement relayées par les organisations de conservation et les militants de la protection de la faune sauvage, ces illustrations invitant les touristes étrangers à faire le déplacement en Tunisie pour abattre en masse les oiseaux du pays ont provoqué le dégoût des utilisateurs des réseaux sociaux. Et ce public indigné en a appelé aux autorités tunisiennes pour qu’elles mettent fin à ce type de massacre…
Seulement pour un ou deux milliers de dinars
Indépendamment des horribles illustrations de cette annonce publicitaire et quoi que l’on puisse penser des attitudes de ce club de chasse libanais et l’esprit qui anime les chasseurs qui ont immortalisé leurs «instants de gloire», que l’on soit bien clair là-dessus: ce type d’expédition de chasse est autorisé par la loi tunisienne.
En effet, en Tunisie, il est permis de chasser le sanglier, le chacal, le renard, la mangouste, la genette et de nombreuses espèces d’oiseaux. Pour ce faire, il suffit tout simplement que les chasseurs intéressés s’adressent à une agence de voyage qui aura la charge de programmer le déplacement en Tunisie et d’organiser cette partie de chasse, en toute légalité.
Ainsi, une fois les détails du séjour mis au point, les touristes-chasseurs obtiennent un permis de chasse d’une durée de sept jours renouvelable et un guide spécialisé. Selon le gibier convoité, la période et la durée du séjour en Tunisie, le touriste-chasseur doit s’acquitter auprès de l’Etat tunisien d’une somme allant de 1000 à 2000 dinars tunisiens (DT). En outre, le touriste-chasseur a le droit d’accéder légalement au territoire tunisien, muni de son fusil de chasse et de ses munitions, soit 350 cartouches.
La loi tunisienne ne fixe aucun quota pour la chasse de la grive ou l’étourneau. D’ailleurs, c’est le cas pour une bonne trentaine d’autres espèces d’oiseaux qu’abrite notre pays. Les seules exceptions qui échappent à ce massacre en règle sont la perdrix gambra (Alectoris Barbara, une espèce d’oiseaux appartenant à la famille des Phasianidae) et le ganga cata (une espèce d’oiseaux de la famille des Pteroclidès). Pour ces deux espèces, en effet, chaque chasseur n’a droit qu’à 6 prises de perdrix gambra par jour ou 10 prises de ganga cata.
Pas de pitié pour la grive et l’étourneau !
Par contre, pour ce qui est du sort des grives et des étourneaux, c’est une autre affaire. Le touriste chasseur est autorisé à chasser comme il le souhaite. Il n’a qu’à choisir 3 gouvernorats sur les 12 où il est permis de pratiquer ce «sport» et peut utiliser les 350 cartouches auxquelles il a droit.
L’on peut donc imaginer la suite des événements et l’étendue du massacre que ce tourisme peut engendrer parmi les populations d’oiseaux en Tunisie…
La Tunisie, pays signataire de plusieurs conventions internationales qui l’engagent à promouvoir la conservation de la faune sauvage et la gestion durable de la biodiversité, devra de toute urgence revoir ses dispositions légales. De façon à se conformer aux règles mondiales et en l’absence d’une liste rouge nationale, les autorités tunisiennes devraient, par exemple, retirer des listes de chasse tunisiennes toutes les espèces d’oiseaux classées «quasi-menacées» sur la liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature (IUCN, en anglais). Le manque de données précises sur la taille des populations d’oiseaux en Tunisie ne devrait pas empêcher la prise de certaines mesures qu’impose le bon sens et qui réduiront les effets dévastateurs que le tourisme de la chasse a sur les populations d’oiseaux dans le pays.
Les émirs braconniers sommés de quitter le territoire tunisien
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