Le Musée national du Bardo accueille jusqu’au 12 avril 2018 une exposition d’art contemporain intitulé ‘‘L’aboyeur’’ de l’artiste Faten Rouissi.
Par Fawz Ben Ali
Après l’amphithéâtre d’El Jem, dans lequel elle avait exposé l’été dernier, Faten Rouissi décide d’investir le Musée du Bardo pour présenter au grand public sa série de créations baptisée ‘‘L’aboyeur’’, un projet en partenariat avec l’Agence de mise en valeur du patrimoine et de promotion culturelle (AMVPPC).
La visite du musée ne se fait plus de la même manière depuis que cette artiste y a mis ses pieds, car les différents espaces et coins ont été ravivés par les œuvres instaurant une sorte de dialogue entre le patrimoine tunisien, l’architecture, l’histoire et l’art contemporain.
Les aboyeurs de la nouvelle démocratie
Artiste pluridisciplinaire engagée, Fatem Rouissi propose toujours des créations contextuelles avec un regard ironique pour tourner en dérision l’actualité sociopolitique du pays.
Dès l’entrée, on aperçoit dans le hall l’aboyeur géant, la plus grande création de l’artiste, mesurant 5 mètres de hauteur. Cette œuvre impressionnante symbolise l’omniprésence des nouveaux «aboyeurs» sur les médias audio-visuels, notamment dans les démocraties naissantes, comme la nôtre.
Ainsi l’exposition de Faten Rouissi met nos racines puniques et romaines face à l’histoire contemporaine du pays, à savoir la Tunisie postrévolutionnaire et tout le brouhaha politique et médiatique infini qui en a découlé.
Toutes les œuvres tournent autour de la muselière qui évoque à la fois l’aboiement du chien et le silence qu’on lui impose, une image qui nous renvoie à l’après 14 janvier 2011 et le flot de l’expression libérée qui a souvent dérapé vers des discours déraisonnables.
La muselière, matière à réflexion
Le hall, la driba, la salle Constantin, la salle Carthage, la salle Mosaïque Marine, et même la librairie-boutique du musée ont été investis par l’artiste qui y a déployé les différentes composantes de son exposition qu’on découvre le temps d’une déambulation au Musée du Bardo. Des œuvres décalées et inattendues où la muselière a été détournée de sa signification et de son usage habituels.
Ainsi l’objet trivial devient une matière à réflexion, un symbole et une métaphore, constituant une démarche très présente dans l’art contemporain comme on en voit beaucoup.
Faten Rouissi a utilisé une variété de formats et de matières (velours, plastique, coton, bois, métal, fleurs, peinture…) pour donner naissance au personnage de l’aboyeur, «celui qui prend la parole d’une manière intempestive et en abuse», précise l’artiste, qui met en scène un aboyeur évoluant du berceau à la vie adulte pour illustrer cet état de dissonance débouchant sur une cacophonie des opinions.
«L’aboyeur est né de l’observation qu’a pu faire l’artiste des médias de masse après la révolution et dans la démocratie tunisienne naissante. Il y avait dans les divers débats télévisés et radiodiffusés quelque chose de l’ordre du chaos, des voix s’élevant non pas ensemble mais les unes sur ou contre les autres, provoquant une inaudible cacophonie plus pénible que constructive», explique Marie Deparis-Yafil, commissaire de l’exposition.
Dans ce lieu mythique qu’est le Musée du Bardo, miroir de notre riche histoire, et 3 ans après le terrible attentat du 18 mars 2015, qui a fait une vingtaine de morts dans ce même lieu, Faten Rouissi prône à sa manière un retour à la communication rationnelle, à la parole réfléchie et au dialogue apaisé.
«Le mois de mars commémore une période difficile pour le Bardo, les familles des victimes de l’attentat et la Tunisie. ‘‘L’aboyeur au Bardo’’ sera une marque de résilience part l’art et la culture contre l’obscurantisme», conclut l’artiste.
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