L’économie tunisienne se redresse, sous l’impulsion de bonnes récoltes et du dynamisme du secteur du tourisme, mais de nouvelles réformes sont nécessaires pour assurer une croissance durable et un meilleur niveau de vie pour tous les Tunisiens.
C’est la conclusion qui ressort d’un nouveau rapport de l’OCDE. C’est la toute première étude économique de la Tunisie publiée par l’OCDE, qui met en lumière les progrès considérables que le pays a accomplis depuis le retour de la démocratie, parmi lesquels l’instauration d’une plus large participation à la vie politique et de nouvelles libertés d’expression et d’association, la baisse des taux de pauvreté et une forte intégration dans les chaînes de valeur mondiales.
Toutefois, les enjeux considérables que constituent des créations d’emplois faibles, un taux de chômage élevé et un déficit élevé des finances publiques, sont également pointés dans cette Étude.
Des réformes structurelles sont, par ailleurs, préconisées pour accélérer la croissance, dynamiser l’emploi, mettre en œuvre des politiques sociales efficaces et promouvoir le développement régional.
L’étude, présentée à Tunis par le chef économiste de l’OCDE par intérim, Alvaro Pereira, et par le ministre tunisien du Développement, de l’Investissement et de la Coopération internationale, Zied Laâdhari, table sur une croissance approchant 3% en 2018 et 3½ % en 2019.
Selon cette étude, l’expansion sera tirée par l’investissement des entreprises, qui devrait bénéficier de la simplification des procédures prévue par la nouvelle loi sur l’investissement, et par le rebond des exportations, qui seront dynamisées par la reprise sur les marchés européens.
«L’économie tunisienne a montré sa grande résilience face aux difficultés tant intérieures qu’extérieures», a déclaré M. Pereira, ajoutant que «conforter le redressement économique actuel nécessitera d’accélérer les réformes, en donnant la priorité à des mesures visant à améliorer l’environnement des affaires. La création d’emplois et le développement régional seront la clé d’une économie plus efficiente et plus inclusive».
Pour remettre la dette publique sur une trajectoire plus soutenable, il faudra que l’assainissement graduel des finances publiques aille de pair avec des réformes structurelles susceptibles de soutenir la croissance, selon l’étude. Le taux des prélèvements obligatoires étant déjà élevé en Tunisie, l’assainissement devra s’inscrire dans une perspective de moyen terme et donner la priorité à la maîtrise des dépenses publiques, avec un souci renforcé d’efficacité et d’équité.
La justice fiscale pourra être renforcée en luttant davantage contre la fraude et l’évasion et en supprimant les incitations en faveur des ménages aisés. Le renforcement de la gouvernance des entreprises publiques et l’amélioration de leurs performances financières contribueront à la fois à des finances publiques plus saines et à une économie plus efficiente.
L’accélération du rythme des réformes structurelles sera décisive pour la croissance future et la création d’emplois. Il faudra à cet effet assouplir les contraintes réglementaires, administratives et financières pesant sur les entreprises et instaurer des règles du jeu équitables entre entreprises publiques et privées. L’ouverture de l’économie à la concurrence devrait permettre de stimuler l’investissement et l’emploi tout en accélérant la diffusion des nouvelles technologies.
De meilleures performances de la chaîne logistique et la facilitation des échanges extérieurs devraient permettre d’attirer plus d’investisseurs étrangers et aider les entreprises tunisiennes à poursuivre leur intégration dans les chaînes de valeur mondiales. La prévisibilité de la réglementation, y compris en matière fiscale, demeurera un facteur important pour les investisseurs.
La création d’emplois et le développement régional continueront d’être essentiels à la réalisation d’une croissance plus inclusive. Il conviendrait d’envisager un allègement de la pression fiscale sur l’emploi formel – en transférant le financement de certaines prestations sociales sur la fiscalité générale. Des politiques visant à favoriser l’activité et l’emploi des femmes et à mieux orienter les jeunes vers des formations propices à l’emploi, devraient être mises en œuvre.
Une nouvelle politique de développement régional est nécessaire pour valoriser les atouts spécifiques et les opportunités économiques qu’offre chaque région. Enfin, des mesures favorisant la mobilité, notamment l’amélioration des infrastructures et des transports publics dans les régions reculées, et une meilleure politique du logement, sont également nécessaires.
Les principales recommandations de l’étude de l’OCDE
Rééquilibrer les moteurs de la croissance inclusive
Le processus de convergence économique a ralenti après 2010, reflétant des facteurs spécifiques et l’exacerbation des contraintes structurelles. Le tourisme et les activités minières ont souffert de la détérioration de la sécurité et du climat social. La forte hausse de l’emploi et des salaires publics a soutenu la consommation privée mais l’activité économique et les créations d’emplois dans le secteur privé sont restées faibles. La hausse de la demande a généré des tensions sur les prix et le compte courant. Les ratios des dettes publique et externe au PIB ont fortement augmenté. Pour remettre la dette publique sur une trajectoire soutenable sans freiner la croissance, il faut inscrire l’assainissement des finances publiques sur un horizon de moyen-terme et l’accompagner de réformes structurelles qui relanceront l’activité et les créations d’emploi dans le secteur privé. Il faut aussi réorienter les dépenses publiques au profit des populations défavorisées et de la croissance inclusive.
Reprise de l’investissement des entreprises pour relancer le processus de convergence
Le taux d’investissement a fléchi depuis le début des années 2000 et son niveau est faible. L’investissement public a été jusqu’à présent largement préservé. A contrario, l’investissement des entreprises a souffert des réglementations excessives sur le marché des produits, associées à des procédures administratives complexes qui peuvent générer de la corruption, d’une fiscalité peu prévisible, des difficultés croissantes pour le passage des biens en douane et leur transport maritime et d’un système financier peu favorable aux jeunes entreprises et à celles en croissance. La levée de ces contraintes est essentielle pour relancer l’investissement des entreprises, et avec lui, la productivité, les créations d’emplois et le pouvoir d’achat de tous les tunisiens. L’investissement logement a été soutenu par des incitations financières et fiscales qui détournent l’épargne des placements plus productifs. L’élan de réformes, engagé avec la nouvelle loi sur l’investissement, devra être poursuivi.
Création d’emplois de qualité pour réduire les disparités de niveau de vie
Le niveau de vie moyen des tunisiens a progressé depuis plusieurs décennies tandis que la pauvreté diminuait largement. Néanmoins, de fortes inégalités subsistent sur le marché du travail. Le taux de chômage est élevé surtout pour les jeunes diplômés, le travail informel est répandu et de nombreux tunisiens ont des conditions de travail précaires. Les disparités hommes-femmes sont moins importantes que dans les autres pays MENA mais le taux d’emploi est bien plus faible pour les femmes que pour les hommes et les femmes occupent souvent des emplois moins qualifiés. De larges disparités régionales existent en termes de niveau de vie et d’emploi. Une nouvelle politique de développement régional pour valoriser les atouts spécifiques de chaque région est nécessaire.
Source: Site web de l’OCDE.
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