Les héros ne meurent pas. Ils deviennent des légendes ! Tout simplement ! Maya Jribi, qui nous a quittés hier, samedi 19 mai 2018, à 58 ans, avait l’étoffe d’une héroïne. Comme toutes ces figures qui ont fait l’histoire de notre pays, qui l’ont marquée!
Par Mounira Aouadi *
Fière et courageuse, Maya n’a pas laissé à la vie le temps de l’user, ni à la maladie de l’humilier.
Maya a formé les maillons d’une chaîne ininterrompue de militants et de militantes depuis ce fameux 14-Janvier qui a tant impressionné le monde et donné le signal de la rébellion à certains pays, aujourd’hui dans le chaos.
Les leçons de détermination et d’abnégation données par Maya ont valeur exemplaire et laissent un goût d’inachevé. C’est ainsi …
«Je quitterais la politique quand je ne serais plus de ce monde», avait-elle dit lors du 6e congrès du parti Al-Joumhouri, tenu le 13 février 2017, au palais des Congrès de Tunis. Elle en était la secrétaire générale!
Je la revois sur les plateaux-télé, luttant contre l’obscurantisme, ne se départissant jamais de cette finesse due à son éducation et de cette correction si délicieuse qui la caractérisait.
Je la revois lors du sit-in, communément appelé Errahil, en 2013, levant le poing et le V de la victoire, donnant de la voix, riant aux éclats, encourageant, embrassant, serrant dans ses bras tout ce qui se trouvait sur son passage. Et le gouvernement des assassins de nos leaders a cédé ! Quelle euphorie ! Quel triomphe qui nous porte encore aujourd’hui.
Maya Jribi, à l’Avenue Bourguiba, le 14 janvier 2011, appelle au départ de Ben Ali.
La femme tunisienne s’était révélée alors, avait donné la pleine mesure de son courage, de son patriotisme, de son engagement, de son émancipation, de sa liberté de parole, de ses choix et de ses exigences.
Le militantisme de Maya a fait des émules. À un parti politique naviguant entre ego et opportunisme, cette grande dame a insufflé un nouvel élan, vivifiant et solide. Elle en était la conscience éveillée, honnête et patriote.
58 ans ! Trop tôt pour mourir ! Elle a lutté contre un mal impitoyable en forme de crabe dont les pinces ont eu raison d’elle.
58 ans ! Trop tôt pour tirer sa révérence en dépit d’un parcours long et riche de plusieurs vies. Tel celui de sa participation à la création du Rassemblement socialiste progressiste (RSP) en 1983, fondé par Ahmed Néjib Chebbi.
A l’Assemblée nationale constituante.
Puis, elle l’a vu évoluer en Parti démocratique progressiste (PDP) et dans l’opposition tunisienne!
Et ensuite l’Unicef pour la générosité du cœur et la noblesse de l’âme. Elle collecte des fonds pour les plus démunis et reste proche de son «compagnon de route» comme elle disait, Chebbi, l’éternel, le jour où elle lui succéda à la tête du PDP, le 25 décembre 2006. Première femme à diriger un parti politique bourré d’hommes ! Chapeau, Madame, et bien bas !
Arrive Mustapha Ben Jaâfar qui la bat à la candidature à la présidence de l’Assemblée nationale constituante (ANC), le 22 novembre 2011! Quel aurait été le visage du pays si elle avait battu celui qui avait rapidement vendu son âme au diable? Une chose est sûre : elle aurait refusé de pactiser avec le démon !
Chevalier de l’Ordre tunisien du Mérite et commandeur de l’Ordre de la République…
Son parcours de femme politique militante à l’instar de ces femmes qui ont marqué l’histoire de notre pays et qui ont contribué activement à son devenir : Elyssa, la reine Didon, fondatrice légendaire de Carthage; Sophonisbe qui rapprocha Carthaginois et Numides; la Kahena, Dihya, la sage stratège; Jazia El-Hilalia, la grande guerrière et plus près de nous Bchira Ben Mrad, militante et féministe, fondatrice de l’Union musulmane des femmes de Tunisie, première organisation féminine tunisienne qui permit aux Tunisiennes d’être actives au sein du mouvement national…
Maya ne verra pas l’éradication des islamistes qui ne meurent pas, la haine les maintenant vivants, mais elle avait prédit leur fin. Pour elle, le combat pour la dignité et la justice se poursuivra jusqu’à la victoire finale !
Maya, repose en paix ! Ta mémoire sera constamment entretenue !
* Journaliste.
Tunisie : Décès de la constituante et militante féministe Maya Jribi
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