La Cité de la Culture de Tunis est un grand acquis dont on peut être fier, mais le projet est à la phase de démarrage et des améliorations importantes sont attendues aux niveaux de l’aménagement, de la programmation et d’une plus grande accessibilité à tous les publics.
Par Naceur Ben Frija *
La Tunisie s’est dotée d’un magnifique espace à vocation culturelle pour propager le savoir et faire connaître sa civilisation et la spécificité tunisienne. La Cité de la Culture de Tunis est «un projet stratégique de développement intégré» pour offrir «l’art dans toutes ses déclinaisons» dans un espace «majestueux, havre de culture», pôle des lettres, du livre, du roman arabe et de la poésie, des arts scéniques, chorégraphiques, plastiques…, lit-on notamment dans les brochures de présentation de ladite Cité.
Il s’agit là incontestablement d’un acquis de taille, au sens propre comme au figuré. Elle est impressionnante et impose par sa taille, ainsi que par les multiples espaces dédiés à la culture que renferment ses murs : trois théâtres, scène d’opéra, un théâtre des régions, un théâtre des jeunes créateurs, des espaces dédiés aux répétitions, à la production, au stockage, des salles d’exposition, une cinémathèque composée de deux salles de projection, un auditorium, une bibliothèque.
Améliorer l’ambiance générale
Il reste, cependant, que dès le franchissement de l’immense hall, l’endroit ne respire pas la culture, en tout cas pas comme on l’aurait souhaité. Telle est la première impression que pourrait ressentir le visiteur des lieux. Dès l’enceinte, on a le sentiment de pénétrer dans une administration ou le hall d’une grande banque fraîchement inaugurée.
D’ailleurs, la Cité est pourvue de plusieurs espaces réservées à son administration. Et ce ne sont pas les nombreuses hôtesses, par ailleurs très accueillantes, ni le personnel de surveillance et d’intendance, qui changeront cette première impression.
La vocation culturelle des lieux ne saute pas aux yeux. L’ambiance générale qui se dégage ne vous indique pas d’elle-même, de manière spontanée, que vous vous trouvez dans un espace culturel. Ce n’est ni l’écran de télévision ni la musique d’ambiance animant le hall qui vous laisseront deviner que vous êtes à la Cité de la Culture, si ce n’est évidemment l’inscription sur le fronton au dessus du majestueux escalier. Lequel, cela dit en passant, n’est pas accompagné d’une rampe pour les personnes à mobilité réduite. Mais ces derniers peuvent toujours entrer par les portes latérales qui ne donnent pas accès au hall principal, mais au patio fleuri du rez-de-chaussée.
Cela dit, la Cité est encore partiellement en chantier de finition et plusieurs aménagements pourraient intervenir pour améliorer sa fonctionnalité.
L’on imagine très bien, pour améliorer l’ambiance générale qui se dégage dès l’entrée, de réserver dans le hall un espace de lecture ouvert au public, doté de quotidiens, hebdomadaires et autres mensuels à consulter sur place dans le calme et le silence, et d’une librairie. La bibliothèque devant être consacrée à la recherche.
Un refuge pour le plus grand nombre
Un tel refuge, pour ceux qui sont à la recherche de culture et de savoir, est censé être ouvert au plus grand nombre de personnes dont les élèves, étudiants et chercheurs profanes ou occasionnels, qui n’ont pas forcément accès aux bibliothèques spécialisées, privées ou réservées à des institutions académiques et autres.
En outre, ce refuge ne devrait pas fonctionner aux horaires d’une administration, ni au rythme de l’affluence des visiteurs durant le week-end, ni à celui des événements ponctuels (théâtres, concerts, cinémas, vernissages, conférences, etc.) Les citoyens, intéressés et qui travaillent, devraient pouvoir fréquenter l’espace au terme de leurs activités professionnelles, durant quelques heures.
Il est aussi attendu de ce refuge, par ceux qui sont à la quête de savoir, qu’il interagisse avec eux, dans un espace réservé aux multimédias (livres numérisés, DVD, CD, ordinateurs), et non uniquement lors et à l’occasion des conférences, séminaires, forum, agora… La Cité deviendrait ainsi plus attractive.
La gastronomie ou l’art culinaire faisant partie de la culture, un lieu conséquent devrait lui être réservé dans un espace intérieur et extérieur, donnant sur un patio verdoyant, tel que celui qui se dessine actuellement au rez-de-chaussée.
Comme chacun l’a compris, la culture ou l’accès à celle-ci ne doit pas se limiter à aller regarder un film, une pièce de théâtre ou assister à un concert, représentation musicale, visiter une exposition d’art plastique, de sculpture ou une exposition ad hoc autochtone ou de pays étrangers amis.
Avec le temps, la Cité de la Culture finira certainement par trouver son orientation à la lumière de ses expériences futures et à l’écoute du grand public. Cette orientation sera la vitrine de la culture nationale inclusive afin de «promouvoir des expériences des jeunes et des régions», ouverte sur son environnement en s’inscrivant dans ses diverses dimensions et sur le monde, comme le prévoit le Forum international des civilisations avec lequel elle s’est ouverte et qui vise à constituer «une plateforme pour la réflexion autour des préoccupations d’actualité universelle.»
* Conseiller juridique.
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