Lettre ouverte à Lotfi Abdelli qui, sur sa page facebook, a traité de «jerdhen» (rats) les non-jeûneurs qui, dimanche dernier au centre-ville de Tunis, ont organisé une manifestation pour contester la décision du ministre de l’Intérieur de fermer les cafés et les restaurants durant les heures de jeûne.
Par Mohamed Sadok Lejri *
Les non-jeûneurs se sentent, durant chaque mois de ramadan, englués dans les sables mouvants de la léthargie ramadanesque, de l’intolérance et de la bigoterie parfaitement incarnée aujourd’hui par nos «jeunes artistes», avec toi, Lotfi Abdelli, en tête de proue.
Je pense, soit dit en passant, que les comédiens et humoristes qui, depuis quelques années, apparaissent sans cesse dans les médias forment la génération d’«artistes» la plus médiocre qu’ait connu ce pays depuis 3000 ans.
Cette hypocrisie qui favorise l’islamisation de la société
Les non-jeûneurs n’ont pas à se cloîtrer comme des pestiférés dans des lieux fermés qui foutraient des cauchemars à n’importe quel claustrophobe. Ils n’ont pas à se cloîtrer dans des espaces sordides et lugubres où l’air est empesté de fumée, où l’on étouffe et où les vitres sont enlaidies et tapissées de papiers journaux comme si les personnes qui s’y trouvaient étaient en train de violer des bébés et d’éventrer des femmes enceintes. Tout cela, au nom du «sîtr» (discrétion) qui, en réalité, est synonyme d’hypocrisie et favorise en douce l’islamisation de la société.
Les non-jeûneurs n’ont pas à raser les murs sous prétexte que leur bouteille d’eau et le café ouvert qu’ils fréquentent avant la rupture du jeûne peuvent, à terme, causer des troubles sociaux. Il faut également arrêter avec ce chantage !
Si la religion est un choix, le droit de vivre ensemble est la seule voie.
Il faut que ton esprit reptilien comprenne que la rue appartient à tout le monde car c’est un espace public. Et l’espace public est un endroit où se côtoie toutes les croyances et philosophies, donc exiger des autres croyances et convictions de faire profil bas en arguant que c’est à la minorité des non-jeûneurs de respecter la majorité moutonnière ou parce que l’on estime que ses propres croyances sont supérieures à celles des autres, relève tout bonnement de l’intolérance et de l’obscurantisme, laquelle intolérance caractérise tant ta mentalité d’imbécile prétentieux, d’ignare qui se fait passer pour un comédien et qui vit dans l’illusion d’être un artiste.
Que ce Chouerreb mollasson comprenne qu’il faut choquer les consciences pour qu’une société évolue. Sans cela, on risque de ne pas sortir de l’état comateux dans lequel nous sommes depuis plusieurs siècles.
Les guignols de la télé aux poubelles de l’Histoire
Notre génération a une chance inouïe pour faire changer les choses, donc, soit on la saisit en prenant certains risques, en s’attirant l’inimitié des ignares dépourvus de neurones qui se targuent de respecter les conventions de la «bêtise sacrée», soit on évite de quitter notre zone de confort, alléguant le respect de la religion et des traditions et invoquant la «sotra» (discrétion).
Malheureusement, avec des «artistes» aussi insignifiants que toi, soit des «artistes» qui vomissent leur haine sur les gens différents d’eux, des «artistes» qui profitent de leur notoriété pour vilipender ceux qui ne partagent pas leur conception archaïque du monde, des «artistes» qui sculptent leurs matières fécales pour les présenter comme des œuvres d’art, rien ne pourra être fait.
Avec un esprit aussi conformiste et une mentalité aussi rétrograde, toi et tous ces guignols de la télé serez bientôt expédiés aux poubelles de l’Histoire et retomberez dans le néant duquel vous êtes sortis. Je préfère être un «jirdh» que de voir mon nom associé à jamais à la médiocrité.
* Universitaire.
Non-jeûneurs de ramadan : Questions au ministre de l’Intérieur tunisien
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