L’annonce, aujourd’hui, mercredi 6 juin 2018, par le chef du gouvernement Youssef Chahed, du limogeage de Lotfi Brahem, son ministre de l’Intérieur depuis septembre 2017, suscite les commentaires les plus surprenants.
Par Chedly Mamoghli *
Lotfi Brahem a complètement failli dans l’arrestation de Najem Gharsalli, l’ancien ministre de l’Intérieur, poursuivi par le tribunal militaire dans une affaire d’atteinte à la sûreté de l’Etat, en cavale depuis des mois. C’est la raison principale du limogeage.
Ajoutons à cela le drame humain survenu, samedi dernier, au large des îles de Kerkennah, avec le naufrage du bateau de migrants clandestins.
Bien évidemment, faire porter toute la responsabilité de ce drame humain très lourd au seul Lotfi Brahem relèverait de la recherche d’un bouc émissaire mais des manquements des services de sécurité ont été prouvés.
Troisième raison, dès le début, Chahed ne voulait pas de Brahem. Il voulait garder Hédi Majdoub (qui avait fait un excellent travail de stabilisation du pays après le passage catastrophique de Gharsalli) mais le président de la république, Béji Caïd Essebsi (BCE), ne voulait plus entendre parler de lui et a imposé Brahem car, comme le stipule la Constitution, le chef de l’Etat intervient dans le choix des ministres régaliens dont celui de l’Intérieur.
Sans oublier le fait que Lotfi Brahem s’est senti pousser des ailles dès le début, poussé et soutenu par beaucoup de parties influentes qui voulaient le voir succéder à Youssef Chahed à la tête du gouvernement dans l’optique de préparer la présidentielle de 2019 et de succéder à BCE. Tout un système de soutien à Brahem a été mis en place. La guerre froide a commencé entre eux dès l’entrée de Brahem au gouvernement avec tous les couacs que l’on connait.
Pour toutes ces raisons, la coupe est pleine et Chahed a décidé de le limoger. Ce n’était aucunement pour draguer Ennahdha. Il ne faut pas tirer des conclusions hâtives et porter à Chahed de fausses accusations. En politique, il faut analyser avec la raison et non avec l’émotion. Je suis le premier à critiquer Chahed quand il le faut mais là, il avait ses raisons.
* Juriste.
Gouvernement : Youssef Chahed démet Lotfi Brahem de ses fonctions
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