Le rapport de la Commission sur les libertés individuelles et l’égalité (Colibe) continue d’alimenter la polémique entre «fondamentaliste islamistes» et «progressistes modernistes». Or, le débat mérite d’être mieux encadré et le contenu du rapport expliqué et vulgarisé.
Le juriste Chedly Mamoghli déplore cette guerre de tranchées qui pèche, des deux côtés, par un flagrant manque d’information. «Il faut d’abord lire, ensuite réfléchir (et avec la raison et non pas la passion) puis s’exprimer», souligne-t-il. Et d’ajouter : «Malheureusement dans notre mentalité, on ne sait pas nuancer (تنسيب الأمور), directement ‘‘tu es pour ou tu es contre?’’. C’est toujours comme ça et sur tous les sujets même sur le sexe des anges.»
L’absence d’un véritable «travail pédagogique»
Il faut d’abord savoir ce que dit exactement le rapport, dans ses deux volets, le premier relatif aux libertés individuelles fondamentales et le second à l’égalité et à la lutte contre les discriminations, et le passer ensuite au crible de l’analyse, avant d’avancer des jugements définitifs.
Ce n’est pas ce que font la majorité des intervenants. «Pour être ‘‘bon musulman’’ et le crier sur tous les toits, il faut être contre ce rapport dans sa totalité et insulter la présidente de cette commission. Pour être ‘‘progressiste’’ et ‘‘moderniste’’, il faut être totalement pour ce rapport et être ingénieux en matière d’éloges de la présidente de cette commission. Or, après lecture du rapport (et non pas en répétant comme un perroquet ce qu’on a lu sur Facebook ou entendu au café), on peut être pour certains points et être contre d’autres», estime M. Mamoghli, qui déplore, au passage, l’absence d’un véritable «travail pédagogique» qui doit être fait pour faire comprendre le contenu de ce rapport.
Chedly Mamoghli.
«Ce travail pédagogique incombe aux membres de la Colibe. Bochra Belhadj Hmida a sans doute des qualités mais (et ça fait des années que je l’écoute dans les médias) elle ne sait pas parler, ne sait pas communiquer et n’est pas du tout pédagogue. Par contre, Slim Laghmani, autre membre de la Colibe, l’est (je parle en connaissance de cause, il a été mon professeur de droit international pendant deux ans) et d’autres membres le sont certainement. Et ce travail pédagogique qui barrera la route à la désinformation et à la manipulation des masses (ou du moins l’atténuera), qui incombe aux membres de la Colibe, doit se faire via les médias mais malheureusement les médias privilégient la polémique (stérile) au contenu du rapport», estime M. Mamoghli qui pointe certaines désinformations et manipulations autour de ce rapport dont tout le monde parle tort et à travers et que peu ont lu réellement avec l’attention et la rigueur requises.
Eviter les détournements, les falsifications et les manipulations
«On entend tout et n’importe quoi concernant le rapport comme le fait qu’il recommande l’instauration du mariage homosexuel. C’est de l’intox et de la désinformation. Le rapport préconise juste la suppression du test anal qui est une atteinte à l’intégrité physique et une atteinte à la dignité humaine. Egalement, ce rapport émane d’une commission qui propose et non pas d’un organe décisionnel. Par conséquent, son contenu n’a pas de force contraignante», corrige le juriste, qui appelle à relativiser et raisonner ce débat et, surtout, le dépassionner pour éviter les détournements, les falsifications et les manipulations de toutes sortes auxquelles s’adonnent souvent volontiers les politi-chiens de tous bords.
Imed Bahri
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