Le festival du cinéma méditerranéen Manarat, qui s’est clôturé le dimanche 15 juillet 2018, a été l’occasion de découvrir de nouveaux films qui se projetaient pour la première fois en Tunisie, mais aussi de revoir les chefs-d’œuvre qui ont marqué le cinéma méditerranéen.
Par Fawz Ben Ali
Parmi ces chefs d’œuvre, et le mot n’est pas exagéré, ‘‘Les chevaux de Dieu’’ du cinéaste marocain Nabil Ayouch, sorti en 2013, projeté au Ciné-Madart puis à la Cinémathèque tunisienne.
Nabil Ayouch et les grands rendez-vous tunisiens
Nabil Ayouch était l’un des invités d’honneur de cette première édition organisée en Tunisie, le festival a prévu à cette occasion de projeter une panoplie de ses meilleurs films dont certains ont déjà été sélectionnés et primés aux Journées cinématographiques de Carthage (JCC).
Nabil Ayouch est en effet un grand ami de la Tunisie, le seul pays qui avait autorisé la projection de son film tant controversé ‘‘Much loved’’, consacré à la prostitution au Maroc. Interdit au Maroc et exclu de tous les festivals arabes, ce film était en compétition officielle aux JCC 2015 et avait même remporté le Prix du jury.
Tout comme ‘‘Much loved’’, ‘‘Les chevaux de Dieu’’ est un film de fiction qui s’inspire fortement de la réalité et qui nous fait aussi penser au documentaire tellement il est juste et poignant. Il a été ainsi l’un des films ayant le plus marqué le public en cette première édition de Manarat.
Le terrorisme, un sujet qu’on traite de plus en plus au cinéma, et où on voit souvent des films qui se ressemblent et qui tombent souvent dans le cliché. Le grand cinéaste marocain a choisi de remonter à l’origine du mal, comment nos jeunes deviennent-ils terroristes ?
Telle est la question centrale du film. Loin des idées reçues et des réponses faciles, Nabil Ayouch a mené sa propre enquête pour nous livrer un film des plus justes et des plus nécessaires pour sauver cette jeunesse qui se fait chaque jour endoctriner par les organisations terroristes.
On ne naît pas terroristes, on le devient
Le 16 mai 2003, la ville de Casablanca au Maroc a été le théâtre de cinq attentats-suicides commis par des jeunes originaires du village Sidi Moumen. Ainsi est venue l’idée du livre ‘‘Les étoile de Sidi Moumen’’ de Mahi Binebine, puis du film ‘‘Les chevaux de Dieu’’ de Nabil Ayouch.
Le film commence par nous montrer l’état de misère que subissent les habitants de ce bidonville. Au lieu d’être à l’école, des gamins passent leurs journées à jouer au football, à traîner dans les rues s’initiant déjà aux différentes formes de violence pour se défendre ou pour survivre à la misère. Passés à l’âge mûr, rien ne semble s’améliorer…
Le manque d’encadrement familial, l’échec social, la crise économique… tuent tout espoir de réussir dans la vie, et le cinéaste marocain réussit à nous transmettre ce sentiment d’accablement jusque dans les moindres gestes et regards. On ne naît pas terroriste, on le devient ! Le film souligne surtout cette réalité que les gouvernements devraient prendre en compte pour sauver ses jeunes.
Les prédicateurs islamistes sont là à guetter la moindre occasion pour embarquer ces jeunes dans leurs camps, et les occasions ne manquent pas, selon Nabil Ayouch qui tient le spectateur en haleine du début à la fin du film qui prend l’allure d’un thriller, d’un drame social et d’un documentaire en même temps.
L’émotion et la réflexion sont garanties face à ces personnages qu’on voit grandir devant nos yeux, se transformant d’enfants ordinaires en terroristes menaçant la sécurité de tout un pays.
Nabil Ayouch, un cinéaste engagé dans la réflexion et l’action sociales.
Comme toujours, Nabil Ayouch dérange pour pointer le mal du doigt sans voile ni demi-mesure, en nous offrant des films réels, concrets, et dans le vif de l’actualité marocaine et mondiale. D’ailleurs le film a eu un énorme succès en France non seulement après sa sortie dans les salles mais surtout après les attentats de janvier et novembre 2015 à Paris car il a permis d’ouvrir les yeux sur le processus de radicalisation qui fait que la marginalisation, l’isolement et le manque d’encadrement peuvent être fatals.
Le village de Sidi Moumen dont sont originaires les auteurs des attentats de Casablanca en 2003 ne possède aucune maison de jeunes, aucune centre culturel, aucune salle de cinéma, aucun théâtre… après la sortie de son film et l’écho qu’il a eu au Maroc et ailleurs, Nabil Ayouch s’est battu pour que ce petit village coupé du monde ait un centre culturel où les jeunes peuvent notamment voir des films et mener des réflexions et des débats ensemble, car le cinéma ne peut que changer les choses vers le meilleur.
Première tunisienne des ‘‘Chevaux de Dieu’’ du Marocain Nabil Ayouch
‘‘Much Loved’’ de Nabil Ayouch : Des filles de joie et… de malheur
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