La 54e édition du Festival international de Carthage a été clôturée vendredi 17 août 2018 avec ‘‘Les 24 parfums’’, une nouvelle création orchestrale de Mohamed Ali Kammoun, compositeur, arrangeur et pianiste, qui était accompagné de l’Orchestre et Chœur de l’Opéra de Tunis dirigé par Mohamed Bouslama et d’une sélection de 60 artistes des régions tunisiennes.
Ce spectacle grandiose est l’aboutissement d’un long travail d’investigation et de recherche musicale mené par musicien dans le cadre de résidences de création dans les 24 gouvernorats du pays. Agencés en 6 suites, chacune portant les couleurs d’une région.
Un périple musical et artistique à travers les régions
Sur le plan scénographique, le spectacle est accompagné de projections de dessins du peintre et designer graphique Raouf Karray qui fusionnent avec l’esprit de chacune des suites en lui conférant du volume visuel en guise d’allégorie. Des dessins qui font partie intégrante du spectacle et qui reflètent elles aussi la richesse et la diversité de notre patrimoine national, marqué par les emprunts et les brassages avec d’autres cultures proches et lointaines.
Les œuvres du spectacle parlent toutes d’amour, et dressent au final un portrait sonore et visuel, authentique et contemporain, de la femme tunisienne : un périple national parfumé, hommage à toutes les régions.
L’œuvre musicale de Mohamed Ali Kammoun est magistrale dans la mesure où elle traite du patrimoine musical tunisien dans sa globalité en retraçant les chemins aujourd’hui invisibles de la transhumance qui ont permis aux chants de circuler d’un endroit à un autre en puisant à chaque halte de nouvelles modalités, de nouveaux airs offrant au final des tableaux singuliers sur une trame commune qui n’est la culture que la culture berbero-arabe.
L’âme d’un peuple chantant et dansant ses maux et ses joies
Les œuvres présentées dans ce spectacle représentent nos villes et villages. Elles sont évidemment différentes. Mais elles ont en commun l’âme de ce peuple qui sait dire en chants et en danses ses maux et ses joies, avec des rythmiques qui font du bien à nos âmes.
Mohamed Ali Kammoun a réussi à utiliser les matériaux délicats de notre patrimoine musical pour en extraire l’essence même avant de les restituer sous des formes très élaborées et très contemporaines en leur offrant des ailes pour voyager au-delà les frontières en tant qu’œuvres universelles.
‘‘Les 24 parfums’’, spectacle qui traverse la Tunisie de Sicca Veneria à Nefta et de Kerkennah à Mazzouna, impose le respect à plus d’un titre. Il a d’abord restitué la noblesse de la poésie populaire et du chant bédouin tunisien. Il a ensuite permis au public de découvrir l’étendue et richesse de ce patrimoine musical. Il a enfin démontré que les cultures ont de tout temps constitué des bassins versants qui s’auto-alimentent dans une synergie tout à fait naturelle prouvant si besoin est que les frontières n’existent pas dans la culture.
Cet imaginaire riche gravé dans le palimpseste de l’identité
Mohamed Ali Kammoun nous a retranscrit ce qui a été gravé dans le palimpseste de notre identité mais en y ajoutant sa touche de créateur qui a conféré à l’œuvre une dimension toute particulière qui va permettre aux chants profonds de la Tunisie de poursuivre leur voyage à travers le temps en s’adaptant à chaque époque sans perdition ni déformation.
C’est une ode à la Tunisie plurielle que le musicien a rendu à travers son travail. Il le sait bien, il en est fier c’est pourquoi d’ailleurs il a dansé et chanté ce soir-là en admiration aussi aux chanteurs, musiciens et danseurs participant à ce spectacle avec la complicité du maestro Mohamed Bouslama, qui dirigeait avec rigueur et grande finesse l’Orchestre et Chœur de l’Opéra de Tunis.
‘‘Rit Ennejma’’, ‘‘Hbib Khatri’’, ‘‘Chiya Chiya’’, ‘‘Sidi Boujaafer’’, ‘‘Koulou Li Om Ezzin’’ sont autant d’œuvres maîtresse qui ont éveillé notre mémoire collective ternie par des années de matraquage d’uniformisation.
De la musique propre, sans artifices ni vernis. Du pur plaisir musical et visuel. Pour un spectacle de clôture, ce fut un régal.
Source : communiqué.
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