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Cessez-le-feu entre Israël et le Hamas : l’Egypte de Sissi à la manœuvre

Le contexte au Proche-Orient n’a jamais été aussi favorable pour Israël et son Premier ministre, Benjamin Netanyahou, en position de force, a peut-être les cartes en mains pour transformer la trêve avec le Hamas en paix durable permettant l’amélioration de la situation générale à Gaza.

Par Roland Lombardi *

Alors que beaucoup d’observateurs n’ont de cesse de répéter que depuis l’arrivée au pouvoir d’Abdel Fattah Al-Sissi, l’Egypte «n’est plus que l’ombre d’elle-même» sur le plan international et régional et qu’elle ne compte plus, l’accord de cessez-le-feu entre le Hamas et Israël, qui vient de voir le jour, démontre pourtant le contraire. Car, même si à l’heure où sont écrites ces lignes, rien de concret n’est encore signé entre Israéliens et Palestiniens, force est de constater que le Président Sissi reste au cœur des négociations de paix toujours en cours.

En effet, dans le monde réel que certains semblent occulter et quoi qu’en disent ses détracteurs, le dictateur égyptien est le principal médiateur et la véritable clé de voûte du futur accord entre le Hamas, l’Autorité palestinienne (AP) et Israël. Comme je l’écrivais déjà en mai dernier, Sissi est, depuis 2013, très impliqué dans la résolution du conflit israélo-palestinien à la fois pour des raisons de prestige personnel, pour la propre sécurité de son pays (Sinaï) mais pour également se rendre indispensable et incontournable auprès de son allié américain.

Visite exceptionnelle et très discrète de Netanyahou en Egypte

Depuis le printemps dernier et le retour des violences à Gaza puis des affrontements entre l’Etat hébreu et le mouvement islamiste, Le Caire, en raison de ses contacts avec Jérusalem, Ramallah et Gaza, a usé de tout son poids, en envoyant des émissaires sur zone ou en recevant des représentants du Hamas, de l’AP et d’Israël au Caire. Tout ceci dans le but d’éviter une escalade de la violence qui deviendrait incontrôlable.

Une visite exceptionnelle et très discrète de Benjamin Netanyahou en Egypte a même eu lieu en mai. Dans un entretien qui dura plusieurs heures, le président Sissi avait alors promis au Premier ministre israélien qu’il réussirait à faire entendre raison au Hamas. Alors que la situation devenait explosive à la frontière, Sissi est même parvenu à convaincre l’Israélien de ne pas se lancer dans une nouvelle guerre totale contre les maîtres de Gaza ou dans la reprise des «éliminations ciblées» qui étaient pourtant dans les tuyaux de l’État-major de Tsahal.

En parallèle, plusieurs entretiens au Caire se sont déroulés entre le chef du bureau politique du Hamas, Ismail Haniyeh, et Kamal Abbas, le chef des services de renseignements égyptiens et l’homme clé des pourparlers en cours. Ces jours-ci, ce dernier se rend à Ramallah afin de pousser le Président palestinien à revenir dans le jeu.

Pour l’heure, que cela nous plaise ou non et tel que nous venons de le voir, s’il n’y a pas eu une nouvelle guerre à Gaza et si nous assistons aujourd’hui à cette sortie de crise, nous le devons moins à l’Onu, qui est certes à l’origine du programme de réhabilitation de l’enclave palestinienne, qu’à l’Egypte de Sissi.

Un accord entre Israël et le Hamas, mais encore de grandes incertitudes…

En effet, la prudence est de rigueur : l’accord sur un cessez-le-feu de longue durée entre Israël et le Hamas n’a reçu, pour l’instant, qu’une approbation de principe des ministres du cabinet de sécurité. Par ailleurs, le Premier ministre israélien Netanyahou et son ministre de la Défense Lieberman rencontrent déjà des oppositions dans leur camp.

En effet, la ministre de la Justice, Ayelet Shaked et surtout, le ministre de l’Education, Naftali Bennet, qui est le leader du parti nationaliste religieux, le Foyer juif, ont d’ores et déjà annoncé qu’ils s’opposeraient à toute signature d’accord avec le groupe terroriste palestinien. De plus, une acceptation de la Knesset sera nécessaire et Netanyahou devra alors user de tout son talent d’animal politique pour ne pas faire éclater sa coalition gouvernementale et que ne soient pas organisées des élections anticipées… à moins qu’en vieux routier de la politique, estime-t-il que, paradoxalement, c’est peut-être finalement le meilleur timing et le scénario le plus propice pour lui actuellement, qui sait ?

Du côté palestinien, il va y avoir aussi des blocages mais j’y reviendrai plus loin.

En attendant, pour en revenir à l’accord proprement dit et à ses conséquences, même si pour l’heure il n’est pas encore totalement finalisé et que les détails ne sont pas encore révélés, il semblerait que cette trêve a l’ambition d’être à terme un véritable accord de paix pour une durée de cinq ans. Bien entendu, les buts principaux du «contrat» prévoiraient une amélioration des conditions humanitaires à Gaza où la situation est catastrophique notamment concernant l’eau potable. Le risque de pénurie grandit chaque jour un peu plus.

Mais attention, rétablissons ici certaines vérités : ce chaos est la conséquence moins des actions et du blocus sévère d’Israël, qui rappelons-le a évacué unilatéralement Gaza en 2005, que de l’impéritie, des choix (achats d’armes, constructions de tunnels, détournements des aides internationales à des fins militaires…) et de la corruption généralisée du Hamas, qui a pris le pouvoir dans l’enclave palestinienne en 2007 ! Et ça, les Gazaouis en sont de plus en plus conscients…

Alors dans un premier temps, l’accord serait conditionné par l’arrêt immédiat des émeutes à la frontière et la fin de l’envoi des cerfs-volants incendiaires. Le passage israélien de Kerem Shalom sera rouvert ainsi que celui de Rafah avec l’Egypte.

Dans un second temps, si le cessez-le-feu s’avérait solide, l’Etat hébreu faciliterait l’importation et l’exportation de marchandises de Gaza et la fourniture d’électricité par Israël serait grandement améliorée. In fine, les constructions d’un port dans la ville égyptienne d’Ismaïlia (ou à Chypre), d’un aéroport et d’une centrale électrique dans le Sinaï, sont également prévues. Une «reconstruction» générale de Gaza serait alors planifiée et financée principalement par le Qatar.

Par ailleurs, Avigdor Lieberman, sous les conseils des services sécuritaires israéliens, envisagerait de lever certaines restrictions, le desserrement du blocus et l’élargissement de la zone de pêche à 17 km des côtes au lieu des 5,6 km aujourd’hui.

Or, ce beau projet sur le papier nécessite le soutien de l’Autorité palestinienne et du Jihad islamique et ça c’est une autre histoire…

Enfin, la dernière pierre d’achoppement et la grande inconnue restent les échanges de prisonniers et des corps de deux soldats tués en 2014 ainsi que la libération de deux Israéliens capturés par le Hamas…

Trêve temporaire ou paix durable ?

Rouvrir le passage de Kerem Shalom est un «geste humanitaire» pour Israël. Ce n’est pas le premier. C’est pour l’heure, un gage de bonne volonté de la part de Jérusalem. Mais comme nous l’évoquions plus haut le chemin vers la paix risque d’être encore long et semé d’embûches.

Sachant que les conditions exigées par l’Autorité palestinienne (notamment son retour à Gaza) ne sont pas prêtes d’être acceptées par le Hamas et que les revendications du mouvement islamiste (libération de ses terroristes) ne sont pas du goût de l’Etat hébreu, les nuages sont loin de se dissiper…

Pour autant, le Hamas est à genoux. Exsangue, il est de plus en plus discrédité auprès des Palestiniens de Gaza et débordé par des groupes plus extrémistes que lui. Plus isolé que jamais, il ne peut compter que sur le soutien de la Turquie et dans une moindre mesure de l’Iran. Or, nous connaissons les grandes difficultés financières actuelles de ces deux pays. Quant au Qatar, autre soutien du Hamas, afin de redorer son blason sur la scène internationale et régionale, il œuvre à présent en coulisses (en signant les chèques) aux côtés des Egyptiens, les anciens ennemis d’hier, pour stabiliser la situation.

Mahmoud Abbas et l’Autorité palestinienne sont eux aussi très isolés et dans l’impasse (impuissance européenne, restrictions des aides américaines, pressions saoudiennes, neutralité russe sur le dossier…). Avec l’éventuelle signature d’un accord entre le Hamas et Israël, le vieux Président de l’AP se retrouve sous pression et dans l’embarras puisqu’il ne peut raisonnablement pas laisser l’initiative au mouvement islamiste de Gaza de s’entendre seul avec l’Etat hébreu. Ainsi, Hamas et AP n’auront à terme d’autre alternative que d’accepter une réconciliation imposée par l’Egypte, qu’ils craignent finalement plus qu’Israël et qui demeure, de fait, leur ultime soutien sérieux.

Du côté israélien, il ne faut pas perdre de vue que Donald Trump et son administration suivent de très près l’évolution de la situation. Le temps est venu pour Benjamin Netanyahou de rendre la pareille au Président américain et de faire à présent les concessions tant attendues par la Maison Blanche. Le contexte régional n’a jamais été aussi favorable pour l’Etat hébreu et le Premier ministre, en position de force, a peut-être les cartes en mains pour transformer cette trêve en paix durable. Mais comme nous l’avons vu plus haut, reste à savoir si son habilité d’homme politique lui permettra de devenir enfin le nouveau Begin ou le nouveau Rabin, en deux mots, un homme d’Etat !

* Consultant indépendant, associé au groupe d’analyse de JFC Conseil.

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