«Dare to learn» ou «Osez lire» est un événement interactif qui se déroule à Helsinki, du 17 au 21 septembre 2018. Kapitalis a suivi pour vous ce qui peut être considéré comme une révolution dans le système éducatif mondial.
Par Moncef Gouja, envoyé spécial à Helsinki
La Finlande est considérée par tous les experts, notamment ceux des Nations Unis, comme le numéro 1 mondial dans le domaine de l’éducation. Trop peu pour les Finlandais qui, après avoir donné naissance au Père Noël et à Nokia, veulent créer un nouveau système éducatif, qu’ils disent vouloir exporter (comme Nokia) à toute la planète. Ils sont déjà implantés en Afrique et au Moyen Orient. Pour ça ils ont nommé une ambassadrice, Marianne Hussoko, avec un titre très éloquent : «Ambassador for education export», littéralement ambassadrice pour exporter le système éducatif.
La lecture n’est plus un devoir d’école mais un plaisir collectif
«Dare to learn» dans sa deuxième édition, rassemble à Helsinki 4000 participants, 50 nationalités, des journalistes de 24 pays, dont la Tunisie, et organise 84 workshops, 19 keynotes ,150 organisations participantes, 600 organisations représentées.
Pour frapper fort, les organisateurs ont choisi un slogan choc : «Dare to learn, that makes learning happen!» Lire dans la joie est donc le mot d’ordre du nouveau système.
Dans la grande salle du forum un long mur peint en blanc, dénommé mur des émotions, et un jeune homme passionné par la lecture explique avec brio aux centaines de participants que sans émotion, il n’y a pas de bonne lecture.
Selon un autre spécialiste, l’émotion libère l’intelligence intuitive de l’être humain et rend donc la compréhension de ce qu’on lit plus facile. L’objectif est de faire de la lecture un moment de joie et de bonheur et non un acte imposée par un professeur ou un éducateur.
Une académie (MIF) qui participe au forum a pour slogan : «La Finlande est le pays le plus heureux sur terre et son système éducatif est son superpouvoir !» C’est une académie pionnière dans l’éducation en ligne qui délivre diplômes et certificats dans plus de 50 pays et travaille avec plus de 2000 sociétés.
L’éducation est la principale success story finlandaise!
Le but est de favoriser le développement personnel
Les classes des écoles primaires en Finlande n’ont plus rien à voir avec les écoles du reste du monde. Plus de livres papiers et tout s’enseigne en ligne. Plus de hiérarchie traditionnelle, maître/élève et le maître n’est plus sur l’estrade mais parmi les élèves qui peuvent changer de place quand ils veulent pour aller travailler avec leurs collègues.
On va même vers la suppression des matières, telles qu’elles étaient enseignées jusqu’à maintenant. On ne cherche plus à bourrer le crâne de l’élève de connaissances qui ne lui serviront à rien dans sa vie. Les connaissances seront fournies en fonction des choix et des centres d’intérêt de l’enfant. Curiosité et créativité sont les premières qualités à susciter chez chaque enfant comme préalable à la connaissance de son potentiel.
D’ailleurs, il n’y a ni notes, ni examens au sens traditionnel, puisque personne ne redouble jusqu’à la fin de l’école de base. Les enfants en difficulté seront pris en charge par des spécialistes. La lecture n’est plus un acte individuel mais collectif pour développer «l’égalité» entre les gens. Mais la lecture n’est plus un devoir d’école mais un plaisir collectif! D’ailleurs l’école est à sept ans, car pour les Finlandais un enfant a d’abord besoin de jouer et de partager.
Les parents qui prennent soin de leurs enfants sont chèrement rétribués par l’Etat. Les enfants sont aussi libres les après-midi pour jouer et pratiquer de l’art ou du sport. Les Finlandais pensent que cela est nécessaire pour le développement futur des compétences et des potentialités chez le futur adulte. Ce n’est donc pas un luxe mais un impératif éducatif. «L’objectif de l’éducation de base est de favoriser le développement personnel», dit le manuel officiel du gouvernement. C’est ce qu’a aussi affirmé madame Sanni Grahan-Laasonen, ministre de l’éducation devant un parterre de journaliste étrangers.
L’éducation est une affaire très sérieuse car elle engage l’avenir.
La lecture est le maître mot de l’éducation
Lire en jouant de la musique, lire en travaillant l’artisanat, en faisant de l’expression corporelle, en résolvant un problème de mathématique, en pratiquant des sciences expérimentales, en s’adonnant aux activités culturelles, bref, lire est possible partout où on est et tout le temps, comme l’indique un slogan du forum.. Mais l’environnement est fondamental pour la lecture, selon un spécialiste au forum «Dare to learn», car, selon lui, les recherches ont prouvé que l’espace physique a un impact sur le cerveau, en provoquant le bien-être et que les enfants lisent avec les cinq sens, d’où la nécessité de transformer radicalement l’environnement de l’école.
La nature et l’architecture nordique, selon lui, offrent des moyens pédagogiques cruciaux sans compromettre le côté esthétique. Eveiller la curiosité de l’enfant est un objectif primordial de l’école de base.
Omnia est une école expérimentale, située à Helsinki et dont la vocation est d’appliquer le programme décennal du gouvernement finlandais. Dans cette école, les professeurs, en plus de leurs titres académiques, ont passé plus de trois ans à apprendre le métier de maçon, de plombier, de menuisier avant d’êtres recrutés par l’école.
Sampo Suihko, le directeur général, définit la stratégie de l’école en un mot : lutter contre l’exclusion sociale par l’éducation. Elle collabore avec les villes, les chambres de commerce, les sociétés (comme Nokia), les entrepreneurs et les syndicats. Elle a des liens avec le marché du travail et adapte sa formation à l’offre de ce marché. Elle pilote des think-tanks et participe aux innovations dans tous les domaines. Elle est reconnue par les organismes internationaux et européens. Elle a formé des milliers de jeunes avec un niveau secondaire et des adultes en formation permanente, dans toutes les disciplines, tout ça en faisant lire ses élèves tout le temps et n’importe où, mais toujours par motivation: une success story à la finlandaise!
Réformer un système déjà performant
Selon le classement mondial, les élèves finlandais occupent les premiers rangs en mathématiques, sciences et lectures, d’après le Business Insider International. C’est le résultat de la réforme entamée en 2007, qui est déjà remise en cause. Les chiffres sont éloquents : 93% des élèves décrochent le baccalauréat alors que 66% entament des études supérieures. Pourtant, jusqu’à 16 ans, l’élève finlandais ne subit qu’un seul test d’évaluation.
Selon les experts finlandais, l’échec de l’école traditionnelle est du aux notes et aux examens, ainsi qu’aux méthodes d’apprentissage et des matières étudiées. La réussite de la réforme de 2007 semble encourager les Finlandais à aller de l’avant en révolutionnant leur système scolaire. Ils croient dur comme fer qu’ils vont révolutionner le système scolaire mondial. Pourquoi pas? La Tunisie, dont le ministre de l’Education a visité la Finlande l’année dernière, a-t-il tiré la leçon ?
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