C’est à l’espace Elyssa Artisanat à Mutuelleville, à Tunis, que les amoureux(ses) du tissage artisanal ont assisté, vendredi 19 octobre 2018, au lancement de la marque Tazerbit par les femmes de Toujane (Matmata).
Par Zohra Abid
Une vingtaine de tisserandes de Toujane (ou Toujene) ont mis en lumière de beaux tapis racontant l’art ancestral de ce village berbère perché sur le flanc d’une montagne située à 25 km de Matmata, 38 km de Médenine et 100 km de Djerba, dans le sud-est tunisien, non loin de la frontière libyenne.
Aïcha, Faouzia, Naïma, Zohra, Jamila et les autres ont mis plusieurs heures de route avant d’arriver à Mutuelleville à Tunis pour assister à la fête du lancement de leur marque Tazerbit : Toujane Handmade Carpets.
Travail, sueur et passion partagés
Elles étaient attendues comme des stars (et elles sont des stars), chez Cyrine, la responsable de cet espace très convivial situé dans l’un des quartiers les plus huppés de la capitale, qui expose au cours de l’année des produits d’artisanat de tout genre (bois, verre, vêtements, bibelots, joailleries, maroquineries…), revisités et remis au goût du jour, dont les femmes chics, séduites par l’exclusivité, raffolent.
Laine teintée naturellement à base d’herbes ou de légumes de la montagne.
Ces petits bouts de femmes à la beauté naturelle (qui étaient sans aucun doute fatiguées par le trajet effectué au cours de la journée) étaient bien rassurées par la présence de leur marraine, Douja Gharbi, fondatrice de l’association tunisienne CEDE (et la vice-présidente de la Conect). Elles avaient le regard pétillant de bonheur et ne croyaient pas leurs yeux: la cérémonie était très belle et organisée en leur honneur.
Cette première collection est composée de 12 pièces, fabriquées 100% en laine teintée naturellement à base d’herbes ou de légumes glanés de la montagne. Elles étaient mises en évidence, ici et là, ou accrochées et bien agencées dans un espace adéquat avec des lumières assorties. C’est, pensent-elles, le fruit de nombreux jours et de nombreuses nuits de travail, mais aussi de sueur et de passion partagée.
Elles sont travailleuses, ambitieuses et respectueuses des traditions.
Tapis, kilim et margoum et autres tissages
Pour ceux et celles qui souhaitent découvrir le petit trésor qu’offrent ces tisserandes aux mains d’or, il est bon de rappeler que la collection est exposée jusqu’au samedi 27 octobre prochain. Ne pas hésiter, ça vaut vraiment le déplacement pour apprécier le travail fait-main et pourquoi pas passer des commandes et encourager les tisserandes de Toujane.
Le tissage est légué depuis toujours de mère en filles, raconte avec le sourire timide Jamila (39 ans). Les tapis tout en ouchem (tatouage berbère) sont généralement vendus à la maison de l’artisanat de Toujane sinon aux touristes qui aiment le dépaysement et la découverte des maisons à la couleur ocre de la montagne et pour la plupart troglodytes et vêtues de kilims et de margoum.
«Dans la collection que nous exposons aujourd’hui, il y a de la recherche tout en respectant les motifs ancestraux. Et c’est grâce aux 4 sessions de formation dans le cadre du projet de formation en teinture végétale naturelle et design et en éducation financière de commercialisation qu’on a beaucoup appris et évolué dans notre art et notre métier», ajoute Jamila, qui a fréquenté l’école jusqu’à la 9e année de base et s’est arrêtée là pour des raisons familiales. N’empêche qu’elle a appris, entre-temps, la couture et a eu même son diplôme de couturière. «Ceci m’a beaucoup aidée à apprendre rapidement le design», a-t-elle enchaîné.
Le coup de cœur pour Toujane
Hela Ghedira de la CEDE a tenu à rendre hommage à la Confédération suisse (grâce à l’ACTS et la CTRS, la Communauté tunisienne résidente en Suisse), et à ceux qui ont appuyé ce projet dès le départ, comme le Centre technique du tapis (CTT), le Centre des femmes arabes pour la formation et la recherche (Cawtar), Technocasa, groupe privé en franchise œuvrant dans le secteur de l’intermédiation immobilière. Tous ont cru à ce projet qui a abouti à la création de la marque Tazerbit et a permis de promouvoir les méthodes écologiques de production et de commercialisation des tapis originaux et personnalisés, via un site web et une page Facebook.
Douja Gharbi, Tarak Cherif et Cyrine.
Ceux et celles qui se rendront dans ce village bâti par les berbères au 12e siècle et qui préserve encore les traditions perpétuées par près de 600 d’habitants, découvriront plein de choses intéressantes dans ce coin où le réalisateur et scénariste français René Vautier et Nicole Le Carrec ont tourné, en 1974, les dernières scènes du court métrage « La Folle de Toujane ou Comment on devient un ennemi de l’intérieur ».
Comme quoi, Toujane a déjà une petite histoire, la grande sera écrite bientôt par ces artisanes qui ne manquent pas d’ambition. Nous en reparlerons bientôt, c’est sûr.
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