Au-delà de l’attentat en lui-même injustifiable et inacceptable, cet acte commis par une jeune femme de 30 ans est symptomatique du profond malaise social qui ronge le pays et qui cause un profond désespoir chez la jeunesse.
Cette jeunesse développe un ressentiment, une frustration et une haine sociale qui en font une proie idéale des terroristes.
Nous reproduisons ci-après la publication du juriste et éditorialiste Chedly Mamoghli, en réaction à l’attentat kamikaze commis hier, lundi 29 octobre 2018, au centre-ville de Tunis, par une jeune femme, diplômée chômeure, probablement embrigadée par des extrémistes religieux transformés en agents de la mort.
* * *
«Les personnes qui, pour jouer aux anti-islamistes ou aux amuseurs publics à deux balles, tiennent des propos les uns plus vulgaires que les autres à l’encontre de l’auteure de l’attentat de lundi après-midi ou qui se croient drôles («yiddhoumrou») en faisant des blagues les unes plus lourdingues et plus salaces les unes que les autres sur cette personne sont nulles à chier.
Oui, ces personnes sont nulles à chier, ne comprennent rien à la chose politique, n’ont rien compris à la situation actuelle du pays et n’ont aucune capacité d’analyse et de discernement.
Le terrorisme est injustifiable de même que le crime ou la délinquance le sont mais il est un constat aujourd’hui en Tunisie que nul ne peut contester (à moins que ce soit une personne qui vit enfermée dans une bulle), c’est que le profond malaise social dans le pays fait que les jeunes se suicident (le suicide des jeunes et des adolescents est devenu un phénomène social ces dernières années dans le pays), se jettent dans la Méditerranée ou se font exploser.
Le terrorisme est un phénomène global mais qui se nourrit du malaise social d’une population d’un pays et si celles et ceux qui veillent à la destinée de la Tunisie vont continuer à ignorer le profond malaise social qui sévit dans notre pays, le suicide des jeune va se poursuivre, la Méditerranée restera un cimetière pour une bonne partie de la jeunesse et d’autres vont continuer à se faire exploser ou à servir de chaire à canon aux groupes terroristes.
Si, à l’issue de ses études, cette fille, issue d’un milieu rural défavorisé, avait trouvé un emploi digne et si elle avait une vie digne, la probabilité qu’elle commette cet acte aurait été infime. La jeunesse peut être un atout majeur pour le pays si on la comprend, on l’encadre et on canalise son énergie dans des projets de société mais si on l’abandonne et on lui bouche les horizons, c’est la mort au bout du tunnel (que ce soit se suicide, crever en Méditerranée ou se faire exploser).
Ces destins tragiques sont l’expression du profond malaise social dans lequel le pays est plongé.»
* * *
La balle est dans le camp des gouvernants. Ou bien ils s’occupent du profond malaise social qui ronge la société et ils sauvent la jeunesse ou bien ils continuent à faire de la politique politicienne, à laisser le malaise social s’approfondir et à faire de la jeunesse une proie idéale des marchands de la mort en tous genres.
Ennahdha et le terrible timing de l’attentat kamikaze de Tunis
Donnez votre avis