«Nous avons cru avoir éradiqué le terrorisme, mais en réalité, nous espérons qu’il ne va pas, lui, nous faire disparaître». C’est en ces termes cyniques et démissionnaires que le président Béji Caïd Essebsi (BCE) a réagi à l’attentat-kamikaze perpétré, hier, lundi 29 octobre 2019, au centre-ville de Tunis, près d’un véhicule de police.
Par Khémaies Krimi
Cette déclaration, faite à partir de Berlin (Allemagne), où il débarquait en début de l’après-midi, pour assister au sommet du G20 sur l’investissement, a été qualifiée d’indigne et d’irresponsable par les observateurs politiques. Elle remet à l’esprit une célèbre phrase du musicien rock irlandais Bono quant il disait : «Le droit d’être irresponsable et stupide est quelque chose qui m’est très cher. Et heureusement, c’est quelque chose que je fais bien».
Le cynisme d’un sous-président qui se rêve grand
La seule différence entre BCE et Bono c’est que e dernier est un artiste «je-m’en-foutiste» doublé d’un électron libre. Il peut tout se permettre tant que ses déclarations n’engagent que sa personne.
Par contre, BCE est un chef d’Etat responsable du devenir de tout un pays. Il n’a en principe ni le droit ni le devoir moral d’être aussi irresponsable. Il a oublié surtout qu’il est le président du seul pays relativement démocratique dans le monde arabe, ce qui est censé amplifier encore sa responsabilité historique.
BCE, qui se vantait pourtant de ne jamais parler des affaires intérieures de la Tunisie quand il est loin du pays, est sorti, cette fois, de la réserve que lui impose sa position de chef d’Etat, signe qu’il est en train de perdre les pédales et de jouer ses dernières cartes politiques.
En principe, dans de telles circonstances douloureuses, il aurait dû commencer par remonter le moral de son peuple, l’encourager à résister au terrorisme et à croire en la capacité des ses institutions à éradiquer ce fléau. Hélas, il a fait exactement le contraire.
D’ailleurs, sentant que BCE a commis une grosse bourde, les déchiffreurs officiels de ses discours (ses conseillers) se sont précipités, hier soir et tôt ce matin, sur les plateaux des télévisions et les studios des radios pour expliquer les bonnes intentions du président. Trop tard, le mal est fait.
BCE, le grand expert du sabotage politique
Autre indice de l’irresponsabilité du chef de l’Etat, dont le mandat s’achèvera heureusement dans un peu plus d’un an, sa fâcheuse tendance à faire endosser à toute la classe politique du pays, sans nuance aucune, la responsabilité de la déliquescence de l’Etat et de la résurgence du terrorisme. Tout en s’excluant lui-même, par simple effet de rhétorique, de cette même classe.
Dans sa déclaration controversée diffusée sur la page officielle de la présidence de la république, M. Caïd Essebsi a déploré le climat politique délétère qui «est de nature à nous distraire des préoccupations réelles du pays», puisque, selon lui «certains, se focalisent sur les fauteuils, les responsabilités ou les appartenances partisanes».
Pourtant, tout le monde sait qu’il assume lui-même, en très grande partie, la responsabilité de la détérioration du climat politique dans le pays. Depuis son accession à la magistrature suprême, début 2015, non pas par compétence avérée mais par un coup de pouce du hasard de l’Histoire, il n’a commis que des bourdes désastreuses pour le pays.
N’oublions pas que c’est lui qui a «nommé» un homme à lui à la présidence du parlement, Mohamed Ennaceur, docile, effacé et complètement soumis à ses desiderata.
C’est lui aussi qui a voulu partager le pouvoir avec un parti qui ne lâche rien, Ennahdha en l’occurrence, au nom d’un consensus qui a mené le pays à la banqueroute.
C’est lui qui a nommé Habib Essid chef du gouvernement avant de faire feu de tout bois pour l’évincer de manière humiliante, parce qu’il n’a pas voulu répondre à ses caprices.
C’est lui également qui a nommé Youssef Chahed pour remplacer Habib Essid avant de décider de l’écarter, projet qu’il n’a pas pu mener à terme en raison du refus de l’intéressé de lui offrir sa démission sur un plateau. D’où le blocage institutionnel que vit, actuellement, le pays par le fait d’un pouvoir exécutif divisé.
C’est lui, par ailleurs, qui a tout fait pour disloquer Nidaa Tounes, le parti qui l’a fait accéder à la présidence et pour le confier à son rejeton Hafedh Caid Essebsi, qui s’y est comporté comme un éléphant dans un magasin de porcelaine.
Tout cela pour dire que ce président combinard, qui n’a rien à envier à Tullius Détritus, le célèbre semeur de zizanie de la BD ‘‘Astérix’’, a été, le moins que l’on puisse dire, très improductif et très nuisible pour le pays. Son règne constitue une parenthèse regrettable et dramatique dans l’Histoire de notre pays.
Espérons que les Tunisiens comprendront enfin qu’ils ont en 2019 une salutaire échéance, les prochaines élections générales, pour donner une claque démocratique à ces «cadavres qui bougent» et à choisir des militants patriotes capables d’édifier une 3e république plus probe, plus prospère et plus digne de leurs aspirations.
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