Contrairement à certaines idées reçues, la grande distribution, un secteur en plein essor en Tunisie, fournit dizaines de milliers d’emplois et un potentiel de création de valeur conséquent.
Par Dr Moez Joudi *
Tout d’abord, commençons par mettre fin à certains clichés et autres stéréotypes véhiculés dans les réseaux sociaux, qui n’ont aucun fondement et qui ne sont pas anodins non plus: la grande distribution ne «tue» pas l’industrie, elle n’«écrase» pas non plus les petits commerces, c’est bien le contraire!
Des contrats régissent les relations fournisseurs-acheteurs
La grande distribution crée en effet des espaces de vente permettant d’un côté aux industriels et aux artisans de trouver des circuits de distribution à leurs produits et de l’autre côté de fournir aux consommateurs une large offre, un choix multiple de produits de consommation et des prix compétitifs lui permettant de satisfaire ses besoins et d’optimiser son pouvoir d’achat.
La principale force de la grande distribution réside dans sa capacité d’acheter en grosse quantité, de stocker, d’assurer une logistique et des cadences d’approvisionnement régulières aux différents points de vente et de fournir des services de qualité aux consommateurs avec des surfaces de vente aménagés et une présentation optimale de l’offre de produits.
À noter dans ce cadre que ce sont des contrats établis en bonne et due forme qui régissent les relations entre les fournisseurs et les acheteurs. Tout est bien mentionné dans ces contrats: les prix, les remises, les ristournes, les conditions de livraison, les conditions de vente, les délais des règlements des factures, les droits et les obligations de chaque partie… tout est bien précisé, lu, relu, approuvé, validé et signé ! Chaque fournisseur est libre de travailler ou non avec la grande distribution, s’il ne trouve pas son compte il peut s’abstenir et s’adresser à d’autres canaux de distribution.
La pratique de la marge arrière est courante et bien encadrée
Concernant la pratique de la marge arrière dans la grande distribution, c’est une pratique tout à fait courante, répandue et encadrée. C’est en quelque sorte une forme de ristourne de fin d’année exprimée en % du prix de vente initial qui est obtenue auprès d’un fournisseur sur un produit. La pratique de la marge arrière se fait surtout dans l’univers de la grande distribution entre les grandes enseignes et leurs fournisseurs.
Les marges arrières les plus courantes ont généralement pour contrepartie un volume de vente atteint sur la période, un objectif de progression des ventes du produit, une visibilité et un espace attribué au produit (en magasin ou sur prospectus), et des actions de collecte de recyclage par le distributeur.
Il est généralement estimé que la marge arrière peut représenter de 30 à 40% du prix facturé initialement (B. Bathelot, 2015) (1).
Par ailleurs, la grande distribution présente à travers son besoin de fond de roulement (BFR) qui a la particularité d’être négatif, un compte de trésorerie nette positive permettant de générer des capacités de placements pour les entreprises de grande distribution ce qui constitue une source de liquidité pour les activités bancaires et des moyens de financement des investissements au niveau des marchés de capitaux et plus largement au niveau du marché financier.
Des emplois de qualité et relativement bien rémunérés
Sur le plan ressources humaines, il est pertinent de constater que la grande distribution crée des emplois de qualité et relativement bien rémunérés. Le plus important, c’est l’ascenseur social qui permet à une caissière ou à un manutentionnaire d’évoluer vers des postes plus importants et assez rapidement.
En effet, pour évoluer dans la grande distribution, il est important au préalable de faire du terrain et de passer par des échelons et des fonctions différentes pour se retrouver dans les hautes sphères en tant que directeur régional ou central en passant par la direction des supermarchés ou des hypermarchés, des métiers où on apprend beaucoup et où on arrive à joindre des parties variables aux salaires fixes.
Complémentarité entre la grande distribution et les petits commerces
Concernant les petits commerces, la grande distribution est loin d’être le monstre tant décrié qui vient avaler tout ce qu’il trouve sur son chemin! Dans les pays développés où la grande distribution existe et se développe depuis des décennies, les petits commerces prospèrent encore et se distinguent par leur proximité et par la particularité de leur positionnement et de leur offre.
Pareil en Tunisie, le consommateur fera toujours ses petites courses et ses achats ponctuels chez l’épicier du coin et se dirigera vers la grande distribution pour des besoins plus conséquents et variés. Il y a donc plus de complémentarité et d’enrichissement mutuel à mettre en avant que de rivalité ou de spectre de destruction des petits commerces à agiter inutilement !
Une source de taxes et d’impôts pour l’Etat
Enfin, la grande distribution est un secteur réglementé et contrôlé, c’est une source de taxes et d’impôts pour l’Etat et il est bénéfique dans ce cadre que ce secteur puisse réaliser des performances financières parce qu’au final tout le monde trouvera son compte: l’Etat, les fournisseurs, les consommateurs, les demandeurs d’emplois et les investisseurs!
D’ailleurs en Tunisie, il est plus pertinent pour l’Etat d’alléger les impôts sur les bénéfices pour les enseignes de grande distribution que de les augmenter! C’est en fait un secteur en plein essor qui a encore du potentiel et qui a besoin de financer ses investissements pour élargir ses implantations au niveau géographique et améliorer les surfaces existantes ce qui entraînera une création conséquente d’emplois et d’espaces de vente pour les industriels et les artisans. Moins d’impôt entraînera ainsi plus de bénéfices et plus de capacités d’autofinancement des investissements et du développement. Au vu de la concurrence assez rude dans le secteur, l’entreprise qui n’investit pas et qui n’innove pas disparaîtra à un moment ou à un autre.
Il faut cesser donc de diaboliser la grande distribution, de lui donner des fausses appréciations et de condamner son essor et son développement. Le commerce en Tunisie, a besoin aussi bien de la grande distribution que des petits commerces de proximité, il faut donner le choix aux consommateurs et libre à eux d’optimiser la satisfaction de leurs besoins et de définir leurs circuits d’approvisionnement.
* Administrateur de sociétés.
Note :
1- Bertrand Bathelot est professeur agrégé de marketing et s’est notamment spécialisé dans le marketing digital depuis près de 20 ans. Il se consacre actuellement et depuis plusieurs années à la rédaction des articles du site Définitions Marketing.
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