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Comment la grande distribution dessert-elle l’économie tunisienne ?

La grande distribution, censée impulser la production industrielle et accompagner sa montée en gamme par l’effet de la concurrence, n’est-elle pas en train d’accélérer la désindustrialisation d’une Tunisie qui consomme plus qu’elle ne produit ?

Par Mohamed Chawki Abid *

Il n’est plus un secret pour personne que le «business model» des grandes et moyennes surfaces (GMS) est beaucoup plus proche d’une banque dépôt que d’un commerce de détail, dans la mesure où le décalage entre le décaissement des achats et l’encaissement des ventes (entre 3 et 4 mois, voire 6) procure à la grande distribution un profit financier prépondérant dans la formation de son bénéfice (2/3 – 1/3).

En outre, de par le redressement du TMM au courant de 2018, la composante du produit financier sera dominante (plus de 80%, en moyenne) au 31 décembre 2018, et le sera encore plus au 31 décembre 2019.

Ceci étant, il n’est pas à sans importance de rappeler les dégâts causés par les GMS sur le plan macroéconomique: importations excessives de produits de consommation superflus, érosion abusive des réserves en devises, faible valeur ajoutée conduisant à une minuscule contribution au PIB, destruction des petits commerces de voisinage, asservissement des fournisseurs locaux (prix et délais), effet d’éviction sur les crédits d’investissement, précarité des emplois créés et faible taux d’encadrement, etc.

Maintenant, avez-vous eu connaissance de la blague de la 52e semaine de 2018 ?

Après avoir réussi l’endoctrinement des pouvoirs exécutif et législatif pour parvenir à prolonger l’application d’un taux exceptionnel d’imposition directe de 25% au titre de 2019, la grande distribution réclame à présent le passage du taux de l’impôt sur les sociétés (IS) de 35% à 13,5%, alors que son bénéfice est dominé par le produit d’intérêts sur une trésorerie structurellement excédentaire, née de l’écart entre l’encaissement cash des ventes et le décaissement différé des achats (≈3 mois de chiffre d’affaires).

Parallèlement, les industries manufacturières continuent à être torturées dans tous les sens : concurrence déloyale avec le marché parallèle, abondance de l’offre assurée par les importateurs-rentiers de biens de consommation, fiscalité non clémente, renchérissement de l’énergie orientée sur les PMI, logistique portuaire préjudiciable, contrariétés administratives périlleuses, etc.

Combien de temps va pouvoir tenir encore notre industrie avant de rendre l’âme ?

Entre-temps, nos usines ferment leurs portes, alors que des vitrines franchisées ouvrent leurs rideaux, grâce à une forte complicité de l’Etat.

Conséquences : écroulement d’emplois stables, foisonnement des franchises, fléchissement de l’export, bondissement de l’import, gonflement des royalties, alourdissement du surendettement extérieur, écrasement du dinar, redressement de l’inflation…

Mais, comment font-ils nos Princes pour être intéressés en devises sans enfreindre à la réglementation de change ni à la déclaration patrimoniale?

* Ingénieur économiste.

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