Il ne faut pas rêver : le mouvement islamiste Ennahdha survit grâce la crainte qu’il inspire à ses adversaires et il ne disparaîtra pas facilement du paysage politique tunisien. Que faire alors pour le mettre hors d’état de nuire ?
Par Mohamed Sadok Lejri *
D’aucuns estimaient qu’il suffisait d’apporter des preuves tangibles sur l’implication d’Ennahdha dans les assassinats de Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi pour coffrer les chefs sanguinaires du parti islamiste et voir la citadelle de Monplaisir s’écrouler comme un château de cartes. Ces gens-là doivent, le plus tôt possible, revenir de leurs illusions et de leur naïveté.
Un parti aux ambitions totalitaires
En effet, par-delà les compromissions et les calculs mesquins dont sont coutumiers nos dirigeants et hauts fonctionnaires, la capacité de nuisance d’Ennahdha est sa meilleure armure. Tout le monde le craint et c’est pourquoi, dès qu’on essaye d’établir la vérité sur les assassinats politiques, les preneurs de décisions appartenant à la classe politique et à l’appareil judiciaire deviennent blêmes.
Le comité de défense de Belaïd et Brahmi a beau présenter un dossier suffisamment appuyé par des preuves concrètes et compromettantes pour la bande à Ghanouchi, personne n’oserait l’affronter frontalement et directement. Aucune partie n’oserait aujourd’hui s’aventurer dans ce terrain où la cavalerie nahdhaouie plus organisée et déterminée reprendrait l’avantage sur les téméraires qui ont osé braver leurs menaces.
Si les leaders d’Ennahdha sont expédiés en prison et si ce parti disparaît du paysage politique tunisien, cela déclenchera à coup sûr des émeutes et du sang coulera abondamment.
Tout le monde redoute la capacité de nuisance d’Ennahdha, une organisation qui n’a pas encore révélé au grand jour la véritable nature de son dessein politico-idéologique. La violence sanguinaire se trouve dans l’ADN de ce parti aux ambitions totalitaires et aux pratiques sournoises, elle est héritée du passé et semble pouvoir s’exercer sans limites si la bête se sent prise dans un traquenard et commence sérieusement à craindre pour son avenir.
Certains sont prompts à réclamer une dictature laïque pour voir les islamistes croupir en prison. Ce n’est pas la meilleure solution, il ne conviendrait pas de les transformer en martyrs.
La libéralisation des valeurs pour contrer l’islamisation de la société
La solution est claire, mais ne peut s’inscrire que sur le long terme : il faut agir sur les esprits afin de provoquer une prise de conscience collective, laquelle aboutira à une laïcisation des esprits. En revanche, la principale difficulté de ce projet, c’est que la sécularisation de la société, la mise en place d’un système d’éducation laïque et la libéralisation des valeurs irritent au plus haut point une frange considérable de la population tunisienne, celle qui vit la modernité comme une sorte de violence psychologique par rapport à leur culture traditionnelle, celle qui rêve d’islamiser la société en substituant des lois charaïques aux lois positives et en dominant l’espace public.
Ennahdha est une culture avant d’être un parti politique, une organisation qui puise sa force et sa crédibilité dans des convictions séculaires et une base morale très solide. Seule une transformation profonde de la société tunisienne et une amélioration significative des conditions économiques éradiqueront Ennahdha et son creuset idéologique.
* Universitaire.
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