Marouane El Abassi – Youssef Chahed: le monétariste et le budgétiste.
Pour une mauvaise nouvelle, c’en est bien une. Le conseil d’administration de la Banque centrale de Tunisie (BCT) a décidé, hier, mardi 19 février 2019, de relever de 100 points de base son taux d’intérêt directeur, le ramenant ainsi de 6,75% à 7,75%.
Par Khemaies Krimi
C’est pour la cinquième fois que la BCT augmente ce taux en l’espace d’une année et onze mois, (avril 2017-février 2019), soit au total 350 points de base. C’est énorme.
Le taux du marché monétaire (TMM) étant celui déterminé par la BCT comme «bénéfice» pour les banques lors de l’octroi de prêts aux particuliers ou aux entreprises, l’augmentation de ce taux signifie la majoration du taux d’intérêt payé par le citoyen ou par l’entreprise pour rembourser leurs prêts.
Quand on sait que la majorité des Tunisiens sont endettés auprès des banques, les conséquences seront, on l’imagine, catastrophiques. Pour les fonctionnaires, l’effet attendu de la récente augmentation des salaires sera très vite gommé et passé aux oubliettes.
Les budgétistes seraient les premiers responsables
La BCT a justifié cette augmentation par la poursuite des pressions inflationnistes. Estimé selon les dernières statistiques à 7,1%, le taux d’inflation actuel «représente, selon le BCT, un risque pour l’économie et une menace pour le pouvoir d’achat, nécessitant une prise de mesures appropriées pour réduire ses effets négatifs».
En plus clair, la BCT n’a décidé d’augmenter ce taux directeur que parce que le taux d’inflation a augmenté (hausse des prix des biens et services) et de cette augmentation a généré une «cherté» du coût des finances (de l’argent) ce qui devrait baisser les emprunts auprès des particuliers et des entreprises et diminuer l’offre et la demande de consommation. L’ultime objectif étant de réduire l’inflation.
À l’origine de cette inflation, le poste de l’alimentation. Les prix des produits alimentaires connaissent, depuis deux ans, une flambée jamais inégalée par le passé.
Impact de cette nouvelle majoration du taux d’intérêt directeur
L’impact de cette énième augmentation du taux directeur, et son corollaire, l’augmentation du coût de l’argent, sera perceptible à travers la réduction des investissements des entreprises et l’augmentation des taux d’intérêts des prêts contractés par les particuliers.
À titre indicatif, les mensualités d’un prêt-voiture, d’un prêt-consommation ou d’un prêt-logement vont automatiquement augmenter par l’effet de cette majoration du taux directeur.
Par-delà ces explications techniques, cette augmentation et ses conséquences désastreuses sur l’investissement et la stabilité sociale, reflète un dysfonctionnement catastrophique au niveau de ce que les économies appellent «le policymix», ou l’art de gérer au mieux la macroéconomie d’un pays. Entendre par là, une absence de coordination entre les monétaristes (BCT principalement) et les budgétistes (gouvernement).
Les premiers ont pour mission d’agir sur l’offre de monnaie dans le but de remplir son objectif de triple stabilité (stabilité des taux d’intérêts, stabilité des taux de change et stabilité des prix) tandis que les budgétistes (le gouvernement) se soucient d’atteindre un autre triple objectif : croissance, emploi, équilibre des échanges extérieurs.
Selon cette répartition des tâches, il semble que ce sont les budgétistes qui ont été défaillants et n’ont pas fait leur job. Ils n’auraient rien fait pour maîtriser les prix, réduire les importations inutiles et relancer les exportations, particulièrement, du phosphate.
D’après des sources concordantes, le déficit courant serait évalué à 20 milliards de dinars tunisiens. C’est tout simplement inadmissible.
Le pire c’est que ce taux est appelé, logiquement, à augmenter, durant les prochains mois à un rythme crescendo, particulièrement durant les périodes de consommation de pointe : le mois de ramadan, les vacances estivales, la saison des mariages, et la rentrée scolaire…
Comme quoi, le Tunisien ne sera jamais au bout de ses peines.
Les conséquences de la nouvelle hausse du taux directeur de la BCT
Le taux d’intérêt directeur de la BCT à nouveau relevé de 100 de points de base
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