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Impressions premières sur un grand pays : l’Inde

Nos impressions ne concerneront qu’une petite partie de ce sous-continent, visitée pendant une dizaine de jours, le triangle d’or touristique délimité par 3 villes : New-Delhi, Jaipur et Agra.

Par Jamila Ben Mustapha *

Tout d’abord et d’après notre propre expérience du moins, le passage par la police des frontières se fait dans des conditions détendues : ces fonctionnaires ne se croient pas obligés d’avoir l’air fermé et froid comme dans tous les autres pays, le nôtre y compris.

Notre contact avec le personnel indien dans les hôtels, assidu auprès des clients et peu avare en sourires, aussi bien que l’observation des activités des citoyens à l’extérieur, montrent que ce sont des travailleurs; n’oublions pas que le taux de croissance de ce pays gigantesque est de plus de 7%. Dirions-nous que ses habitants joignent le professionnalisme occidental à la gentillesse orientale?

Ce qui frappe partout , ce sont les couleurs vives se trouvant non seulement dans les œillets indiens orangés, rouges et jaunes, utilisés dans les colliers de bienvenue et de façon plus importante, dans les cérémonies religieuses, mais aussi sur les saris des femmes aussi bien que les murs de certains temples.

Lorsqu’on croise les foules dans les rues, ce sont ces figures d’hommes pauvres à la peau brûlée par le soleil, à la chevelure et aux moustaches grises ou blanches, semblables à des sages de l’ancien temps ou à des mendiants-poètes et inconscients de leur beauté, qui retiennent le regard. Cette dernière, en effet, est plus appréciable quand elle est ignorante d’elle-même. Je me rappelle la silhouette entrevue dans la médina de Fès, d’un Marocain noir aux traits fins, vêtu d’une djellaba, regardant dans le vide et ne sachant probablement pas à quel point il était pittoresque : cette silhouette et cette expression auraient, à coup sûr, assuré le succès d’un tableau de peintre.

L’interminable ballet des rickshaws.

Le pays qui garantit le droit des animaux n’assure pas celui de tous ses citoyens puisque le système des castes, quoique permettant maintenant la mobilité sociale (le président actuel R. N. Kovind n’est-il pas issu de la caste des intouchables ?), perdure. Pensons aux conditions terribles dans lesquelles se trouvent les animaux d’élevage privés de mobilité en Occident et chez nous, les tares étant différemment réparties dans chaque nation.

Société encore patriarcale, l’Inde est un pays où un jeune homme peut encore épouser avant l’âge de 20 ans une femme choisie par ses parents et qu’il ne découvrira que le jour des noces. La plupart des mariages sont arrangés même si ceux motivés par l’amour sont en augmentation.

Sur le plan religieux, les temples hindous avec les statues de Shiva, Vishnu et Ganesh (pour ne citer que les divinités les plus importantes), les temples sikhs de couleur blanc et or, et même le temple bahaï en forme de lotus à New Delhi, coexistent avec les mosquées en grès rouge décorées de marbre blanc.

Sixième puissance économique du monde et pays sous-développé

De même que la djebba en soie peut largement rivaliser d’élégance avec le costume occidental ou même le battre sur ce plan, de même, le turban donne prestance et majesté à la silhouette des Sikhs, adeptes d’une religion qui est une sorte de syncrétisme entre l’hindouisme et l’islam.

Le Jama Masjid de Delhi.

Traverser la rue dans une ville indienne, est encore plus risqué qu’à Tunis. Les routes sont occupées par des véhicules de 2 sortes : des voitures de fabrication locale de bonne qualité, mais aussi des rickshaws, tricycles comprenant une banquette couverte et faisant fonction de taxis, qui sont aussi inconfortables que le dos d’éléphant avec, en plus, une vitesse qui fait peur.

L’Inde, grande puissance sur le plan de l’industrie informatique et pharmaceutique, offre le contraste de réunir en même temps les caractéristiques d’une nation classée avant la France comme 6e puissance du monde en termes de produit intérieur brut pour l’année 2018, et d’un pays sous-développé où on est harcelé par les mendiants.

Le Fort Agra donne une belle vision à distance du Taj Mahal .

Mais ce qu’il y a à voir aussi dans cette région du nord occupée par les sultans de Delhi puis par les Moghols, ce sont les merveilleux monuments laissés par ces dynasties : ils sont soit en grès rouge, soit en marbre blanc. L’élément typique de l’architecture indienne est le chhatri, petit pavillon ouvert surmonté d’une coupole et se trouvant invariablement aux 4 coins élevés de la plupart des édifices.

Au pays des couleurs vives

La plus ancienne mosquée, Quwwatt al Islam, a été construite à la fin du XIIe siècle par le premier sultan de Delhi et jouxte un minaret haut de 73 mètres, Qutb Minar, d’une très grande beauté, recouvert de la patine des siècles et de toutes les nuances de la couleur pourpre de la pierre; citons aussi le Jama Masjid de New-Delhi, mosquée édifiée au milieu du XVIIe siècle par Shah Jahan, le roi qui a fait construire le Taj Mahal.

La plus ancienne mosquée, Quwwat al Islam, construite à la fin du XIIe siècle.

Concernant ce mausolée, nous avions cru qu’Agra, la ville où il se trouve, serait comme une bague précieuse sertie d’un diamant, un espace unique à la hauteur du monument qu’il renferme : la réalité est tout autre. La ville est poudreuse; les habitations et boutiques se succédant de façon désordonnée, d’un côté et de l’autre des rues, sont en plus mauvais état qu’à Jaipur, capitale du Rajisthan, qui a quelques avenues spacieuses à côté des quartiers populaires; la circulation dominée par les rickshaws est chaotique; et il faut sortir du centre d’Agra pour découvrir au fond d’un bois où se promènent les singes en toute liberté, le joyau classé 7e merveille du monde.

Les histoires vraies d’amour peuvent être racontées sur du papier, mais aussi inscrites pour l’éternité dans la pierre. Ce que l’on ne sait souvent pas, c’est qu’avant Taj Mahal, il y a d’abord eu le mausolée du second roi moghol Humayun, dont la construction est étalée en largeur, qu’une de ses femmes, Bega Begum, a fait construire pour lui en 1569, plus d’un demi-siècle avant l’édification du monument d’Agra.

Le fameux Taj Mahal.

Taj Mahal a été bâti pour recueillir la dépouille de l’épouse favorite de Shah Jahan, morte en couches. Ce monument dégage une impression ineffable de pureté, d’harmonie et se présente comme un mélange heureux entre la pierre noble du marbre, la verdure des arbres soigneusement taillés et l’eau du long bassin rectangulaire, le tout disposé de façon rigoureusement symétrique. Le tombeau de la défunte, Mumtaz Mahal, se situe à l’intérieur, au centre du monument, et celui de son époux enterré près d’elle selon ses vœux, se trouve seulement à gauche mais, plus massif, il indique le statut royal du défunt.

La visite du fort d’Agra qui surplombe la colline, à quelques kilomètres de là, donne une belle vision à distance du Taj Mahal qui souligne, grâce à la perspective, sa beauté d’une autre façon. C’est là que Shah Jahan a été emprisonné par son fils pendant les 8 dernières années de sa vie, dans son palais de marbre blanc finement ciselé d’où on peut constater qu’il avait cette vue globale et lointaine du mausolée comme lot de consolation.

De retour en Tunisie, le souvenir du ciel grisâtre de New-Delhi causé autant par la brume que par la pollution, donne de la valeur à ce qu’on considérait ici comme une banalité : le ciel bleu azur de Tunisie orné de nuages d’un blanc éclatant.

* Universitaire et écrivaine.

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