Deux journalistes espagnols rendent hommage à Chamseddine Marzoug, volontaire tunisien du Croissant-Rouge, qui s’est chargé seul, sans ressources ni soutien institutionnel, d’enterrer les corps des migrants clandestins rejetés par la Méditerranée.
Traduit de l’espagnol par Amina Mkada
Chamseddine a planté un bougainvillier au milieu du Cimetière des inconnus et installé un panneau bleu en 6 langues : arabe, français, anglais, italien, allemand et espagnol, portant le nom de cet espace.
À côté, des pelles, des houes, un seau pour le ciment. Un peu plus loin: une installation artistique avec des bouées noires et des blanches, qui symbolisent la vie interraciale; bouteilles d’eau trouvées sur le rivage, semelles intérieures, chaussures, sandales imprégnées de sable.
Des épaves oubliées de la Méditerranée
Un petit mémorial postmoderne, qui a une continuité dans d’autres lieux de Zarzis, la ville de Chamseddine, qui rappelle des épaves oubliées de la Méditerranée, l’une des crises qui définissent le XXIe siècle.
Le journaliste et réalisateur de 5W, Agus Morales (El Prat de Llobregat, Barcelone, 1983), et le photographe Edu Ponces (Barcelone, 1980) signent ce reportage dans le magazine « 5W », encadré dans un projet avec Noise Photo.
L’histoire de la chronique, « Los muertos aue me habitan » (Les morts qui m’habitent), leur a valu le prix Ortega y Gasset pour la meilleure recherche, ou histoire journalistique de 2018.
Le jury a souligné qu’il s’agissait d’un «rapport magnifique», qui réunit toutes les qualités d’un bon journalisme, et qui «suscite l’émotion du lecteur, à travers une approche différente».
Un homme qui crée un cimetière
Morales et Ponces ont accompagné Marzoug pendant 2 semaines sur la côte tunisienne, jugeant important de donner la parole à quelqu’un qui rend visite aux morts, à un moment où il semble que «personne ne se soucie de la vie».
«Grâce à la figure chimérique de ce militant, nous pouvons parler du problème le plus grave que l’Europe a aujourd’hui, de manière différente», explique Morales.
Les auteurs de l’œuvre primée souhaitaient «trouver le mécanisme permettant aux lecteurs de se mettre à la place de Chamseddine», un homme qui crée un cimetière, avec des cadavres de personnes qui tentent de gagner l’Europe de l’autre côté de la Méditerranée, et essaye de «leur donner de la dignité».
Comme ils l’expliquent dans leur chronique, Morales a voulu établir un lien émotionnel avec le lecteur, car «il est non seulement important de parler de ceux qui perdent la vie en mer, en essayant d’atteindre l’Europe, mais également de raconter ce qui se dit sur ces gens».
Notons que le prix Ortega y Gasset récompense les professions du journalisme, en hommage au philosophe espagnol José Ortega y Gasset, fondé par le journal espagnol « El País », en 1984.
Le prix remporté est de 15.000 euros. Espérons que les auteurs de cette chronique n’oublieront pas de récompenser aussi Chamseddine Marzoug,
qui à l’origine de leur succès.
Source: « El Pais« .
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