C’est à croire que les déboires de Nabil Karoui, homme à problèmes s’il en est, sont en train de le propulser dans l’estime des Tunisiens. Selon le baromètre politique d’Emrhod Consulting pour le mois de mai 2019, le patron de la chaîne Nessma TV monte à la seconde place des personnalités susceptibles d’être élues à la présidence de la république, derrière Youssef Chahed.
Le chef du gouvernement reste certes la personnalité politique la plus populaire en Tunisie, mais il est en train de perdre du terrain. S’il est encore l’homme pour qui les Tunisiens voteraient en premier à la présidentielle, il recueille cependant un faible score : 9,8%, contre 14,6 % en avril, soit une baisse de 4,8 points en un mois.
L’enquête d’Emrhod consulting a été réalisée du 27 au 30 avril 2019, c’est à dire en pleine polémique suscitée par le tragique accident survenu le 27 avril, à Sabbala (Sidi Bouzid), et qui a fait 12 morts et 21 blessés en majorité des femmes ouvrières agricoles. C’est sans doute l’un des éléments qui ont causé la chute de Youssef Chahed dans le sondage: le chef du gouvernement a été vivement critiqué, à cette occasion, pour n’avoir rien fait pour assurer le transport sécurisé de ces femmes prolétaires.
Avec 8,1% d’intentions de vote, en mai 2019, Nabil Karoui se classe dans une surprenante seconde position, contre 0,2% en avril dernier, gagnant 7,9 points en un mois.
Entre-temps, il s’est passé quelque chose : la Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle (Haica) a procédé à la saisie des équipements de diffusion de la chaîne Nessma pour obliger son patron à signer le cahier des charges relatif au secteur et à révéler ses sources de financement comme l’exige la loi. Ce que ce dernier s’entête à refuser depuis… 2014, se considérant au-dessus des lois de la république.
M. Karoui, homme e communication et de marketing politique, n’a évidemment pas manqué l’occasion pour utiliser cet événement et se présenter dans la posture de la victime, prétendant que la décision est purement politique et qu’il est victime d’une injustice : «On veut faire taire celui qui parle au nom des démunis», avait-il lancé, ce qui a sûrement joué un rôle majeur dans la montée de sa popularité.
Quelle leçon tirer de cette surprenante montée dans les sondages de Nabil Karoui, sinon que les Tunisiens ne sont pas attachés outre mesure au respect des lois et que beaucoup d’entre eux sont même prêts à voter pour des hors-la-loi. Avis aux amateurs !
Pour le reste, le classement des intentions de vote pour la présidentielle n’a pas beaucoup bougé entre avril et mai 2019 : le spécialiste en droit constitutionnel Kais Said vient en 3e position avec 7,5% en mai 2019 (contre 13,3 en avril, soit une perte de 6,8%), Abir Moussi, présidente du Parti destourien libre (PDL) est 4e (5,2% en mai, contre 5,7 en avril), Moncef Marzouki, président du Harak (5e, 3,2%, contre 2,7%), le président du Courant démocratique Mohamed Abbou (6e, 2,8%, contre 0,3%), le président d’Al-Badil Ettounsi Mehdi Jomaa (7e, 2,4%, contre 0,4%), le porte-parole du Front populaire Hamma Hammami (8e, 1,6%, contre 0,3%), le journaliste Safi Said (9e, 1%, contre 0,2%), et le secrétaire général du Machrou Mohsen Marzouk (10e, 1%, contre 0,2%).
Y. N.
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