À l’approche des élections législatives et présidentielles, dont la campagne doit démarrer dans quelques mois, le projet politique de Abir Moussi, présidente du Parti destourien libre (PDL) prend de l’ampleur.
Par Rachid Barnat
Ce projet reçoit un accueil favorable auprès de très nombreux Tunisiens qui veulent écarter du pouvoir les Frères musulmans du mouvement Ennahdha et qui constatent, avec tristesse et amertume, que la plupart des autres partis sont prêts à nouveau à s’allier avec ces obscurantistes qui ont conduit le pays à son déclin.
Mme Moussi est-elle opposée à l’égalité entre les sexes ?
On a vu apparaître, dans certains médias et sur les réseaux sociaux, un argument important pour s’opposer à elle. Elle serait, selon ses détracteurs, totalement opposée au droit des femmes et à l’égalité entre les deux sexes, notamment en matière d’héritage.
La question est importante et mérite d’être examinée sérieusement mais sans parti-pris.
Dans une émission de Nessma TV, face à trois journalistes, Mme Moussi a mis les points sur les ‘‘i’’ pour nombre de griefs que ses détracteurs lui faisaient et que les journalistes reprenaient à leur compte. Elle a clarifié sa position et les déclarations qu’elle avait été amenée à faire.
Elle a déclaré qu’elle s’était opposée non pas aux droits des femmes ni à l’égalité dans les successions mais à la façon dont ce projet avait été étudié et à son contenu.
Reprenons son argumentaire et essayons de voir la réalité et non pas les fantasmes et les attaques à visée uniquement politique.
Elle a dit d’abord que le projet lancé par le président de la république, Béji Caïd Essebsi, l’a été, au moment où cela a été fait, pour des raisons purement électorales.
Ce premier argument est tout à fait conforme à la réalité et beaucoup l’ont écrit à l’époque. Béji Caïd Essebsi, conscient d’avoir perdu par sa trahison et son alliance avec les islamistes, la confiance de beaucoup de Tunisiens et notamment des Tunisiennes, a trouvé ce moyen pour se refaire une virginité; alors que, dans le même temps, il reconnaissait, cyniquement, s’être trompé sur les islamistes !
La manœuvre politique est un peu grosse et personne de sérieux ne pouvait le croire.
Sur ce premier point, force est de constater qu’Abir Moussi a raison même si cela ne doit pas justifier une opposition au principe même d’égalité; et là, elle déclare clairement qu’elle n’y est pas opposée et qu’elle ne l’a jamais dit.
Le deuxième motif de rejet de la présidente du PDL concerne la méthode adoptée par le président Caïd Essebsi, qui a confié à une Commission des libertés individuelles et de l’égalité (Colibe), le soin d’étudier la question, alors que, selon elle, il s’agit d’une question éminemment politique et qu’elle devait être de la compétence des politiques et non de techniciens, aussi brillants soient-ils.
Son argument ici est faible car la Colibe n’a eu qu’un rôle d’étude et de propositions mais il est clair, et l’actualité le démontre, que le débat et la décision seront politiques et viendront des politiques; puisque c’est le parlement qui tranchera en définitif.
La troisième critique est plus sérieuse. Elle a déjà été faite par certains.
Abir Moussi reproche aux propositions de la Colibe d’être des demi-mesures avec l’objectif évident de ne pas déplaire ou du moins de ne pas froisser les Frères musulmans.
En effet, dans la mesure où le choix sera donné aux familles d’appliquer ou non l’égalité, il y aura un risque que ce texte soit sans portée véritable. Il aboutira à deux situations différentes, alors que la loi est pour tous. Et surtout, il aboutira à une loi d’un Etat prétendument civil mais qui fait une place à la chariâa (loi islamique).
Sur ce terrain, elle a amplement raison. Elle ajoute que si elle est au pouvoir, tout cela sera revu et dans le sens d’une égalité parfaite. On peut croire volontiers cette fille et petite-fille de Destouriens.
Le combat d’une femme, d’une Destourienne et d’une Bourguibiste
Qui pourrait douter une seconde que cette femme, pure produit du bourguibisme, qui plus est, se revendique de Bourguiba, puisse être opposée à l’égalité entre homme et femme, elle dont le combat pour se faire une place en tant qu’avocate et en tant que femme politique, dans un monde dominé par les hommes, est indéniable.
On voit dès lors, que les attaques sont injustes et sommaires, qu’elles ne tiennent pas compte du réel discours de l’intéressée. Cela confirme bien qu’il s’agissait, non pas d’argumenter mais de porter atteinte à son envol politique.
On peut espérer que les gens qui la critiquaient de bonne foi au vu de ce qu’ils avaient compris, reviendront sur leur jugement en écoutant bien ce que dit Abir Moussi, elle même.
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