Les prix pratiqués par la compagnie Tunisair sont exorbitants, au détriment des Tunisiens résidant à l’étranger, et notamment en France, souhaitant passer leurs vacances en Tunisie. Face à cette contrainte décourageante, le gouvernement reste sans réaction.
Par Mohamed Souibgui *
Messieurs les responsables tunisiens à tous niveaux, président de la république, chef du gouvernement, ministres, Pdg, gestionnaires de la compagnie Tunisair… avez-vous une pensée pour ceux qui ont aidé la Tunisie pendant plusieurs générations, qui y ont investi et contribué à sa richesse, pour en faire, avant la révolution, l’un des dix premiers pays émergents. Qui ont été à l’origine de la naissance de la Banque de l’Habitat et des différentes associations euro-méditerranéennes opérant à rapprocher les deux rives. Et qui ont aussi beaucoup aidé certains dirigeants actuels à prendre le pouvoir, lorsqu’ils étaient privés de leurs droits politiques.
Le pays est certes au bord du gouffre, mais ce n’est pas par manque d’argent, qui coule à flot de toute part : prêts de la Banque mondiale (BM), du Fonds monétaire international (FMI) et d’autres bailleurs internationaux, sans parler de l’argent mal acquis, celui de la contrebande, de la corruption et du blanchiment.
Les anciens militants politiques pauvres se sont soudainement enrichis. Pour eux, la révolution de 2011 a été une véritable aubaine. Mais peut-on encore qualifier ce tournant historique de «révolution», alors qu’il a abouti à l’enrichissement des nouvelles élites dirigeantes, à l’appauvrissement des anciennes classes moyennes et à l’écrasement des pauvres ?
Ne privons pas les Tunisiens expatriés du retour au pays !
Un bonne partie de la communauté tunisienne résidant à l’étranger, et particulièrement celle en France, est privée de son pays et ne peut se permettre de rentrer pendant les vacances d’été, pour notamment gérer son patrimoine au pays, fruit d’années d’investissement et de sacrifice, pour maintenir et renforcer les liens familiaux, pour exprimer leur solidarité avec leurs concitoyens restés au pays et, surtout, pour garantir la continuité entre les générations et permettre aux plus jeunes d’entre eux de garder des attaches fortes avec le pays de leurs parents.
Malheureusement pour tout ce beau monde, Tunisair, très mal gérée et aux prises avec des difficultés financières, affiche des prix exorbitants, au détriment de certaines familles pauvres ou faisant face à des difficultés financières, qui, faute de moyens, sont privées de rentrer au pays, sans parler des enfants tunisiens nés à l’étranger, qui, coupés de la Tunisie, sont obligés de brader le patrimoine que leurs parents ont beaucoup sacrifié pour posséder dans leur pays d’origine.
Il faut savoir, à ce propos, qu’une grande partie de la communauté des Tunisiens à l’étranger est constituée de personnes à la retraite ou au chômage, membres de familles nombreuses, disposant de faibles ressources et vivant dans la difficulté, avec des fins de mois difficiles, la situation sociale du pays d’accueil n’étant plus, elle non plus, ce qu’elle était au cours des précédentes décennies.
Les prix pratiqués par Tunisair sont une véritable catastrophe
C’est donc aux autorités tunisiennes de trouver une solution intermédiaire pour aider cette communauté, dans ses différentes générations, en mettant en place une nouvelle stratégie permettant de renforcer ses liens avec le pays.
Cette stratégie sera un véritable investissement pour la Tunisie, qui en tirera sans doute profit à moyen et long terme, en renforçant les liens des enfants de sa communauté à l’étranger avec le pays natal de leurs parents.
A cet égard, les prix pratiqués par Tunisair constituent une véritable catastrophe qui va plutôt contribuer à éloigner ces derniers voire les couper de leur pays.
Pour deux heures de vol entre la France et la Tunisie, les prix affichés représentent un budget important pour la communauté tunisienne expatriée. Le tarif d’un aller-retour varie entre 550 et 750 €, alors que le revenu mensuel moyen de beaucoup d’expatriés tunisiens ne dépasse guère 1200 €, et que la plupart ont plusieurs enfants.
En plus de ces prix prohibitifs, la situation actuelle de Tunisair est peu encourageante : services dégradés, retards répétitifs, annulations intempestives, mauvais accueil à l’aéroport, lors de l’enregistrement, de l’embarquement, de la livraison des bagages, sans oublier les vols et la détérioration des biens des voyageurs.
Tout cela n’incite pas beaucoup les Tunisiens à retourner au pays et les encourage à aller passer leurs vacances ailleurs… C’est là une perte pour le pays, à moyen et, surtout, à long termes.
C’est malheureux, triste et désespérant.
* Professeur des universités, France.
Donnez votre avis