Les associations membres du Collectif civil pour les libertés individuelles et alliées, célèbrent aujourd’hui, vendredi 17 mai 2019, la Journée mondiale contre l’homophobie et la transphobie, en rendant public un communiqué où elles déplorent la stagnation de la situation des personnes LGBTQI++ en Tunisie.
Dans ce communiqué, que nous reproduisons ci-dessous, le Collectif déplore la poursuite de l’utilisation des lois liberticides et des pratiques homophobes et transphobes par les institutions officielles de l’Etat.
Sur le plan juridique, les articles qui sanctionnent les personnes ayant une sexualité, une identité ou une expression de genre non normatives, sont toujours là, immuables et entraînant d’innombrables cas de harcèlement et d’intimidation, et des dizaines d’arrestations, dont certaines aboutissent à des condamnations, chaque année.
Ces mêmes dispositions juridiques reconduisent leur silence en ce qui concerne le changement d’état civil, et laissent la porte ouverte devant des interprétations judiciaires aléatoires et des pratiques pénitentiaires honteuses à l’égard des personnes Trans.
Arrestations, interpellations et condamnations
Sur le plan judiciaire, la police procède à l’arrestation et à l’interpellation des personnes ayant une apparence ou une attitude sur la base de laquelle elle se permet de présumer leur identité sexuelle ou de genre.
Les tribunaux continuent également à appliquer l’article 230 du code pénal qui sanctionne de 3 ans d’emprisonnement les personnes homosexuelles, et l’article 226 et suivants pour élargir la répression à tout acte ou attitude contraires «aux bonnes mœurs» et qui «heurtent la pudeur».
Malgré l’engagement des autorités tunisiennes à ne plus avoir recours aux tests anaux pour prouver «la sodomie» et ce, depuis 2017, les tribunaux continuent à ordonner cette pratique considérée à l’échelle internationale comme une pratique de torture.
De son côté, le gouvernement poursuit son acharnement contre l’association Shams (défendant les homosexuels, Ndlr) et demande encore et toujours sa dissolution, en engageant une procédure dans ce sens devant les tribunaux.
Un environnement légal et institutionnel hostile
Sur le plan social, et devant cet environnement légal et institutionnel hostile à la diversité et la différence, les crimes homophobes et transphobes se poursuivent dans une atmosphère d’impunité. Atmosphère qui fait qu’un grand nombre de personnes LGBTQI++ souffrent en silence et se désistent de leurs droits les plus élémentaires : ester en justice, la santé, l’éducation, le travail… Plusieurs d’entre elles ne quittent leur domicile qu’en cas de nécessité absolue, afin d’éviter tout risque de harcèlement, de violence ou d’arrestation. D’autres se sont trouvées dans l’obligation de quitter le pays.
Devant cette situation alarmante, les associations membres du Collectif civil pour les libertés individuelles, appellent :
- l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) à accélérer le processus de mise en place de la Cour constitutionnelle, la principale garantie du respect des droits définis par la Constitution dans les lois en cours d’élaboration et d’application, et l’examen et l’adoption du projet du Code des libertés individuelles qui a été déposé par un ensemble de député.e.s depuis le mois d’octobre 2018; projet qui prévoit la reconnaissance de l’identité de genre et le changement de sexe, la dépénalisation de l’homosexualité, la sanction de l’homophobie…
- le chef du gouvernement à arrêter une politique pénale nationale basée sur les droits humains «dans un Etat civil et démocratique» (article 49 de la Constitution) et qui reconnait le droit à la différence, y compris en matière d’identité sexuelle, d’expression et d’identité de genre. Ainsi que de bannir les pratiques policières et judiciaires qui continuent d’arrêter et de juger les personnes sur la base de leur identité apparente ou présumée;
- les ministres de la Justice et de l’Intérieur à veiller à une bonne application de la constitution en abandonnant cet acharnement policier et judiciaire contre les personnes LGBTQI++ et en instituant de bonnes pratiques au niveau des agents de la police judiciaire et des agents des services pénitenciers pour le respect de la dignité humaine des personnes LGBTQI++ ;
- les magistrat.e.s de la république à appliquer la Constitution qui fait d’eux/elles les protecteurs des droits et des libertés, à écarter l’application des articles contraires à cette norme suprême et notamment les articles 230 et 226, à ne plus ordonner le test anal ; et à adopter une jurisprudence respectueuse des droits des personnes à une identité sexuelle et de genre, qui correspond à leur être et continuer dans le même sens que la décision du 9 juillet 2018, qui reconnait le droit au changement de sexe et au changement de l’identité légale dans les documents officiels;
- les médecins légistes à refuser de pratiquer le test anal, banni par le conseil national de l’ordre des médecins, et à appliquer leur Code de déontologie médicale qui fait de la dignité une valeur fondamentale de ses dispositions;
- les médias à adopter une attitude respectueuse des droits humains des personnes LGBTQI++ et de se retenir d’utiliser tout discours homophobe et transphobe.
Les associations signataires :
- Ligue Tunisienne des Droits de l’Homme
- Association Tunisienne des Femmes Démocrates
- Association Tunisienne de Défense des Libertés Individuelles
- Association Beity
- Association Damj – pour la justice et l’égalité
- Association Tunisienne de Prévention Positive
- Association Shams
- Association Mawjoudin
- Association Chouf
- Association pour la promotion du Droit à la Différence
- Fédération tunisienne pour une citoyenneté des deux rives
- Association CALAM
- Legal Agenda Tunisie
- Association Tunisienne de la santé de la reproduction
- Groupe Tawhida Ben Cheikh
- Association Tahadi
- Association Free Sight
- Association Fanni Raghman Anni
- Association Doustourna
- Avocats Sans Frontières
- Fédération Internationale des Droits de l’Homme
- Réseau Euromed Droits
- Human Rights Watch
- Organisation Mondiale Contre la Torture
- Association Al Bawsala
- Collectif Outcasts
- Association Alwani
- Comité pour le Respect des Libertés et des Droits de l’Homme
- Association Tunisie Terre des Hommes
- Fondation Ahmed Tlili pour la Culture Démocratique.
Donnez votre avis