Au milieu d’une platitude télévisuelle ambiante à laquelle nous nous sommes hélas habitués durant le mois du ramadan, un très beau feuilleton s’est distingué cette année sur la chaîne nationale Wataniya 1 : ‘‘El Maestro’’, qui a réussi à rehausser le niveau du paysage télévisuel.
Par Fawz Ben Ali
Alors que les feuilletons, les sitcoms et autres TV-shows nous font de plus en plus regretter ce passage obligé devant le petit écran durant les soirées ramadanesques (histoires et sujets surconsommés, drames cousus de fil blanc, humour grossier…), le feuilleton ‘‘El Maestro’’ de Lassaad Oueslati a réussi à rehausser le niveau du paysage télévisuel et à réconcilier les spectateurs avec le petit écran grâce à un travail raffiné, engagé et touchant.
Immersion au cœur de deux centres de rééducation pour mineurs
Vers 20h du soir, peu de temps après la rupture du jeûne, l’audience de la télévision nationale atteint son summum avec le rendez-vous quotidien de la diffusion de ce feuilleton, une perle télévisuelle autant sur le plan technique, artistique, qu’émotionnel. Il s’agit d’une immersion au cœur de deux établissements de rééducation pour mineurs délinquants et l’histoire d’un professeur de musique qui croit au pouvoir miraculeux de l’art et de la musique en particulier pour faire de ces jeunes délinquants de meilleures personnes.
Dès les premiers épisodes, on ne peut s’empêcher de penser au célèbre film français ‘‘Les choristes’’ (2004) qui raconte une histoire très semblable; mais la genèse du feuilleton tunisien est née d’une histoire vraie vécue par le musicien et compositeur tunisien Riadh Fehri et qui a inspiré la réalisation d’‘‘El Maestro’’.
Le feuilleton est porté par un casting de premier choix avec Dorra Zarrouk qui cartonne en ce moment en Egypte, Fathi Haddaoui toujours aussi magistral, Wajiha Jendoubi dans excellent un rôle secondaire, Ghanem Zrelli qu’on avait adoré dans ‘‘La belle et la meute’’ ou encore ‘‘Thala mon amour’’ et qu’on découvre dans un tout autre registre, et puis le maestro Ahmed Hafiane, vedette du feuilleton, qui ne cesse de nous impressionner avec sa justesse de jeu, auréolé dernièrement de plusieurs prix pour son interprétation dans ‘‘Fatwa’’ (Tanit d’or des JCC 2018). Mais ‘‘El Maestro’’ met aussi en vedette un grand nombre de jeunes talents dont beaucoup y jouent leurs tout premiers rôles.
La musique est un rempart contre le repli sur soi, la violence et l’extrémisme
Tout commence quand Hatem, un musicien virtuose qui a raté sa carrière et qui se trouve contraint de jouer dans des restaurants pour gagner sa vie, est appelé un jour à animer un club de musique dans un établissement pénitencier pour mineurs. Malgré la réticence des détenus et le scepticisme des responsables du lieu, le musicien repère le potentiel énorme en ces jeunes; car l’idée principale que défend le feuilleton est que la musique est loin d’être un simple outil de divertissement, mais une nécessité et un rempart de taille contre le repli sur soi, la violence et l’extrémisme.
‘‘El Maestro’’, qui dure 20 épisodes, dénonce les vieilles méthodes d’autorité excessive, la discipline impitoyable et tout un système d’éducation ou de rééducation oppressif et archaïque qu’on continue de défendre et qui ne fait qu’alimenter la frustration des jeunes.
Chaque épisode nous renvoie une charge émotionnelle avec ces jeunes personnages attachants victimes de système éducatif défaillant ou de parents ayant manqué à leur responsabilité; des histoires de maltraitances, de violences, de misère, de mères célibataires, de harcèlement sexuel, ou encore de radicalisation…
Au fil des cours de musique, le professeur réussit à adoucir les turbulences de ces jeunes aux âmes meurtries et à leur transmettre sa passion; la prison n’est plus une fatalité car il suffit d’un encadrement intelligent pour que la délinquance et la criminalité laissent place à des changements considérables.
Ce feuilleton inspiré d’une histoire vraie est une belle leçon de vie et une invitation à repenser le système éducatif et à remettre en question les méthodes utilisées dans les établissements pénitenciers.
Un sujet original et actuel à la fois, un casting de choc, un scénario solide, des dialogues justes, et une musique omniprésente proposée par Riadh Fehri pour rehausser le tout, sont tant d’ingrédients qui font la réussite de ce beau projet qui mérite d’être vu.
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