La Coalition citoyenne contre le charançon rouge du palmier en Tunisie (4C-Tunisie), mise en place récemment pour organiser la lutte contre ce tueur silencieux, a engagé un processus de mobilisation nationale qui sera couronnée par une grande marche le 15 Juin 2019, à Tunis.
Le charançon rouge du palmier (CRP) ou Rhynchophorus ferrugineus est l’un des ravageurs les plus dangereux et les plus destructeurs d’une quarantaine d’espèces de palmiers dans le monde.
Originaire de l’Asie du Sud-Est, Le CRP a été détecté dans la région du Golfe au milieu des années 1980. Et au cours des trois dernières décennies, il s’est rapidement répandu dans la région du Moyen-Orient et Afrique du Nord (Mena) et en Europe, touchant presque tous les pays de la région. Il est maintenant reporté dans plus de 60 pays dont la France, la Grèce, l’Italie, l’Espagne et certaines régions des Caraïbes et de l’Amérique centrale.
Le CRP s’attaque aux palmiers d’ornement, notamment les palmiers des Canaries (Phoenix canariensis) et aux jeunes palmiers dattiers de moins de 20 ans. Environ la moitié des 100 millions de palmiers dattiers répondent à ces critères et sont donc vulnérables. Ces derniers sont une ressource importante pour de nombreuses communautés de la région Mena. Les dattes sont, en effet, un aliment de base depuis des siècles et constituent, en même temps, une filière économique et stratégique pour plusieurs pays dont la Tunisie.
Le CRP a donc un impact socio-économique significatif sur le secteur de production du palmier dattier et sur les moyens de subsistance des agriculteurs dans les zones touchées. Les pertes économiques sont évaluées à plusieurs millions de dollars par an, que ce soit par la perte de production ou par celle des coûts de lutte contre les parasites.
Dans les pays du Golfe et du Moyen-Orient, par exemple, 8 millions de dollars sont perdus chaque année (perte de production et des palmiers dattiers). En Italie, en Espagne et en France, jusqu’en 2013, le coût de la lutte contre le CRP, et du remplacement des palmiers morts et de la perte de bénéfices s’élevait à environ 90 millions d’Euros. Ce coût devrait augmenter à 200 millions d’euros d’ici 2023.
Notons enfin que le charançon rouge des palmiers est extrêmement difficile à détecter aux premiers stades de l’infestation, car il existe peu de signes visibles de l’extérieur qui indiquent que le ravageur a déjà envahi le palmier : environ 80% du cycle de vie du CRP est caché de la vue (au cœur de la frondaison du palmier d’ornement où l’intérieur du tronc du palmier dattier).
La situation actuelle en Tunisie
Voilà plus de 8 ans (reporté fin 2011) que le CRP sévit dans le Grand-Tunis et les gouvernorats limitrophes et constitue un véritable danger pour les Oasis. Si le ravageur n’est pas confiné et éradiqué, très vite, les impacts économiques, sociaux et environnementaux seront considérables.
Impacts liés à l’infestation des palmiers d’ornement dans le Grand-Tunis
Á ce jour, plus de 7000 palmiers d’ornement (palmiers des Canaries; Phoenix canariensis) sont infestés, soit pratiquement 20% des palmiers d’ornement recensés dans le Grand-Tunis. Et il n’échappe à personne que la situation est dramatique aussi bien pour le paysage urbain que pour l’image touristique de la Tunisie (grandes avenues et places de Tunis et sa banlieue, hôtels…).
Sur le plan économique, le coût moyen de traitement, d’assainissement d’un palmier de 10 m infesté par le CRP, son abattage quand c’est nécessaire, peut être estimé à 5.000DT sans tenir compte de la valeur patrimoniale inestimable. La perte économique serait d’environ 5000 DT * 7000 palmiers = 35 millions de dinars tunisiens, MDT).
Impacts liés à l’introduction du CRP dans les oasis
En Tunisie, la filière des dattes occupe la deuxième place au niveau des exportations des produits agricoles, après l’huile d’olive. Elle participe à 19% de la valeur totale des exportations agricoles. Pour la seule période allant du 1er octobre 2017 jusqu’au 26 septembre 2018, la quantité exportée a atteint environ 129.000 tonnes, pour une valeur de 763 MDT.
Par ailleurs, 10 % de la population tunisienne vivant dans les oasis serait directement impactés par les dégâts en cas de contamination et plus de 50.000 hectares d’écosystèmes oasiens correspondant à 261 Oasis (17% sur le littoral; 6% montagnardes et 77% sahariennes) riches en biodiversité seraient menacés de désertification.
Tout aussi grave, 60.000 producteurs de dattes abandonneraient leurs terres (56% à Kébili; 20% à Gabes; 19% à Tozeur et 5% à Gafsa) pour migrer vers les grands villes ou ailleurs, 5,5 millions de palmiers dattiers seraient menacés d’éradication ; 72 unités de conditionnement répartis entre le sud et le nord du pays pourront fermer et des milliers d’emplois seraient perdus; la valeur patrimoniale matérielle et immatérielle des palmiers dattiers et des oasis est inestimable pour le pays serait menacée de disparition à jamais; et, last but not least, les pertes en emplois, tout le long de la chaine de valeurs du palmier dattiers en Tunisie seront considérables.
Partenariat public privé pour une gestion participative et intégrée du CRP
Parce que nous ne pouvons regarder cette catastrophe se dérouler sous nos yeux sans réagir, une Coalition citoyenne contre le charançon rouge du palmier (4C) s’est mise en place et a engagé un processus de mobilisation nationale qui sera couronnée par une grande marche qui se tiendra le 15 juin 2019, à Tunis.
Le principal objectif de cette coalition étant de porter la voix des différentes parties prenantes (petits et grands agriculteurs, hôteliers, industriels et exportateurs de dattes, écologistes, scientifiques, syndicats …) afin que les autorités nationales et locales engagent une véritable mobilisation nationale de lutte participative et intégrée pour la gestion du charançon rouge des palmiers.
Les actions urgentes seront, pour le gouvernement, de mobiliser les ressources nécessaires et l’expertise nationale et surtout internationale pour la mise en œuvre d’un programme nationale de lutte contre le charançon rouge des palmiers. Et, pour le chef du gouvernement, de responsabiliser tous les ministères et tous les acteurs pour participer activement au programme de lutte contre cet insecte ravageur. Il devra, également, désigner un comité national et des comités régionaux pour le suivi du programme CRP, dont les missions et la périodicité des réunions et des rapports doivent être bien définies
Le ministère de l’Agriculture, des Ressources hydrauliques et la Pêche (MARHP) devra, de son côté, mettre en œuvre d’une manière inclusive le programme de gestion participative et intégrée du charançon rouge des palmiers et devra répartir précisément les rôles et les responsabilités entre les différents intervenants.
Le ministre des Affaires locales et de l’environnement devra inciter les maires des communes à collaborer plus activement avec les services du MARHP, des autres ministères (Tourisme, Intérieur, Défense nationale…), la profession, la société civile et le secteur privé chargés du programme de gestion intégrée du charançon rouge des palmiers.
4C-Tunisie considère, également, que le programme de gestion participative et intégrée du charançon rouge du palmier devra permettre une détection précoce des palmiers infestés et une intervention rapide (application du protocole de lutte contre le CRP conseillé par la FAO pour empêcher la dissémination du ravageur).
Le Système d’information géographique (SIG) du charançon rouge du palmier (SIG-CRP Tunisie) doit être mis à jour en adéquation avec le nouveau programme de gestion participative et intégrée du charançon rouge du palmier en Tunisie et une application android doit être conçue et largement diffusée pour l’information, la communication, l’intervention, le suivi et l’évaluation du programme charançon rouge des palmiers de Tunisie.
Sur un autre plan, la formation des techniciens de toutes les communes tunisiennes, des CRDA, de l’UTAP, des GDAs, du secteur privé constitue un maillon incontournable de la lutte contre le CRP.
La sensibilisation des citoyens à travers différents types de canaux et moyens sur le mode de reconnaissance des palmiers attaqués par le charançon permettra d’assurer leur participation active dans cette dynamique nationale. Les citoyen(ne)s sont appelé(e)s à informer les Commissariats régionaux du développement agricoles ou les services de santé et d’hygiène de leurs communes de tout cas d’infestation de palmiers observés dans leur territoire ou ailleurs.
Un programme d’arrachage et de valorisation des palmiers morts doit se mettre en place avant la chute des cimes et les médias doivent s’engager à diffuser des spots et élaborer des dossiers d’investigation sur le problème du charançon rouge des palmiers et ses conséquences sur l’environnement et l’économie nationales.
Source : communiqué.
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