Facebook a officiellement présenté hier, mardi 18 juin 2019, Libra, sa cryptomonnaie, un moyen de paiement et de virement, qui bouleversera le système financier international traditionnel. La Banque centrale de Tunisie (BCT) n’a pas encore réagi à cette annonce.
Une cryptomonnaie, dite aussi cryptoactif, cryptodevise, ou monnaie cryptographique, est une monnaie utilisable sur un réseau informatique décentralisé, de pair à pair. Elle est fondée sur les principes de la cryptographie, et intègre l’utilisateur dans les processus d’émission et de règlement des transactions.
Echanger l’argent via Messenger et WhatsApp
Les détenteurs de sommes en Libras pourraient verser de l’argent à d’autres, par l’intermédiaire dans un premier temps de Messenger et de WhatsApp, 2 des applications de Facebook. Les internautes pourraient également acheter des biens sur des sites partenaires en payant en Libras.
Facebook envisagerait, aussi, de payer de petits montants à des utilisateurs, pour des activités telles que regarder des publicités, ou interagir avec des contenus liés à du commerce électronique.
Par ailleurs, Facebook ne se lance pas seul dans cet énorme projet: 27 entreprises au moins sont déjà partenaires, dont des géants comme Uber, Lyft, Booking, eBay, Spotify, Vodafone, ainsi que des fonds d’investissement. Chacun de ces partenaires apportera au moins 10 millions de dollars (8,9 millions d’euros), ce qui leur permettra d’entrer dans la fondation suisse Libra Networks, avec pour actionnaire Facebook Global Holdings.
L’objet social, selon Reuters est de fournir des services financiers et technologiques, et développer des matériels et logiciels associés. Facebook espère compter, d’ici la fin 2019, une centaine d’entreprises partenaires, ce qui apporterait donc un milliard de dollars de garantie à la monnaie.
Monnaie virtuelle, le Libra devrait être proposé à l’achat par les entreprises financières et les spécialistes de la Fintech, figurant parmi les premiers partenaires connus, tels que Visa, MasterCard et PayPal (sachant que les paiements via ce dernier ne sont pas autorisés en Tunisie), ce qui pourrait lui ouvrir le monde des cartes de crédit, et l’accès aux distributeurs bancaires.
Autre partenaire, Coinbase, une des plus grandes Bourses de bitcoins du monde, devrait également vendre des Libras. Rappelons qu’en Tunisie, le gouverneur de la BCT avait déclaré l’intérêt de la Tunisie dans le Bitcoin.
A l’opposé des cryptomonnaies actuelles, telles que le Bitcoin, le Libra ne devrait pas être une monnaie spéculative. Mark Zuckerberg, patron de Facebook, affirme qu’elle sera stable, avec un taux de change basé sur plusieurs monnaies officielles, dont au moins le dollar, l’euro et le yen.
Le Libra sera disponible sur Messenger, WhatsApp et notamment sur un portefeuille numérique dédié, le «Calibra». Le service sera disponible partout dans le monde, dès 2020, selon les médias internationaux.
Un moyen facile pour la fuite des fonds ?
Un clin d’œil à l’inflation en Tunisie: dans les pays à forte inflation, particuliers et entreprises pourraient être tentés de placer leur argent en Libras, pour sécuriser leurs avoirs monétaires, comme l’ont déjà fait des Grecs avec les Bitcoins.
Les millions d’utilisateurs de Facebook se posent la question brûlante suivante : nos données financières seront-elles ainsi confiées à Facebook ?
Zuckerberg devra rassurer les internautes, alors que son bilan en matière de protection des données personnelles n’a cessé de s’alourdir ces dernières années.
Il y a eu l’affaire Cambridge Analytica, où les données individuelles de 87 millions de comptes ont été aspirées, et utilisées entre autres au profit des campagnes du Brexit et de Trump en 2016.
Plus récemment, Facebook a avoué, en mars dernier, que 20.000 de ses employés ont eu accès aux mots de passe, stockés en clair et non chiffrés, de centaines de millions d’utilisateurs.
En octobre 2018, le réseau social a annoncé qu’à la suite d’un piratage, les données personnelles de 29 millions de personnes ont été compromises.
Qu’en pense la BCT et qu’en pensent les Tunisiens? Faut-il faire confiance au Libra de Marc Zuckerberg, ou à Marc Zuckerberg lui-même? Quel sera l’avenir de nos banques? Comment le système financier va-t-il pouvoir gérer les paiements en devises? Une multitude de question se posent et se poseront encore à l’avenir.
Amina Mkada (avec « Le Nouvel Observateur »).
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