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Nabil Karoui : Un douteux mélange de bling-bling berlusconien et de misérabilisme prolétarien

Dans son entretien (très complaisant), hier soir, vendredi 2 août 2019, sur El-Hiwar Ettounsi, le magnat de télévision Nabil Karoui, un croisement douteux de Silvio Berlusconi et de Mère Teresa, croit pouvoir se faire élire président de la république par ceux auxquels il distribue des paquets de macaroni et des boîtes de tomate en conserves.

Par Rachid Barnat

Selon ce qu’il a raconté à Meriem Belcadhi, la journaliste qui fut, il n’y a pas longtemps, son employée, Nabil Karoui a voulu honorer la mémoire de son fils décédé, Khalil, à travers une action sociale pour aider les plus démunis à vivre et à se soigner. Il a créé l’association Khalil Tounes, le prénom de son fils prenant tout son sens ici : l’ami intime des Tunisiens.

En patron de télévision, il a tenté de sensibiliser le pays à la grande misère qui s’est généralisée depuis le 14 janvier 2011, touchant aussi la classe moyenne à cause de la gestion désastreuse de la Tunisie par les gouvernements successifs. Son idée était d’inciter les Tunisiens à aider les plus démunis d’entre-deux et palier ainsi à l’absence de l’Etat dans les régions délaissées. Créant ainsi une chaîne de solidarité. Et selon lui, ça marche, puisque même des médecins assurent des actes gratuits aux nécessiteux.

La politique instrumentalise la pauvreté et la misère

Devant le succès de son émission sur Nessma TV et de son association caritative, de plus en plus de bénéficiaires lui demandent pourquoi ne ferait-il pas de la politique avec un tel programme devenu une priorité pour tous les laissés pour compte.

Pour ne pas mélanger les genres, il a créé donc son parti sous un nom différent de son association caritative, qu’il a baptisé Kalb Tounes (Cœur de la Tunisie).

Sa popularité et les sondages en sa faveur commençaient à agacer les Frères musulmans au point de tenter de l’éliminer de la course aux élections législatives et présidentielles, sous prétexte qu’il instrumentalise la pauvreté en pratiquant la «charity business» !

Curieux que les Frères s’en offusquent, eux qui ont fait, par populisme, des associations caritatives un moyen d’acheter leurs électeurs ! Comme disent les Tunisiens, «le dromadaire ne voit pas sa bosse» ou encore «qu’il est mauvais mon vice chez les autres» !

Voilà quelqu’un qui a compris, en huit ans d’islamisme, la nouvelle façon de faire de la politique introduite par Ghannouchi et ses Frères musulmans : instrumentaliser la pauvreté et la misère ! Mais il lui fallait être encore plus efficace en mettant au grand jour son action, là où les Frères cherchent la discrétion, se limitant au bouche-à-oreille pour recruter de nouveaux sympathisants ! En homme de médias, il a su faire.

D’où la hargne de Ghannouchi à lui barrer la route en s’appuyant sur son allié Youssef Chahed qui y trouve lui aussi son compte, puisque sa popularité baisse, alors que celle de Nabil Karoui monte.

Toujours en observant les pan-islamistes et leurs pendants les pan-arabistes, Nabil Karoui a rajouté à son discours, celui de la «cause palestinienne», toujours aussi vendeur auprès des peuples dits «arabo-musulmans» ! Il a bien rappelé ô combien cette cause lui est chère comme elle l’est pour le peuple tunisien !

Ainsi Nabil Karoui instrumentalise ce qui réussit le mieux aux Frères musulmans : la pauvreté et la cause palestinienne. En somme, il les concurrence sur leur propre terrain, l’instrumentalisation de la religion en moins car il a compris que leur impopularité vient de là !

Devant une classe politique qui a brillé par sa médiocrité et son incompétence depuis la fumeuse révolution, cédant au populisme à tout va, pourquoi reprocher à Nabil Karoui le sien, plus efficace encore ?

Au moment du choix crucial qui se présente devant les Tunisiens, comme tous les politiques, à l’exception d’Abir Moussi, Nabil Karoui ne dit rien des réels problèmes du pays et ne dit rien de ses alliances éventuelles et de sa position face à ce qui est le problème majeur du pays : les Frères musulmans. Il laisse même entendre qu’il pourrait s’allier à eux, selon le résultat des urnes, n’étant l’ennemi de personne, insiste-t-il, d’autant qu’il a toujours gardé de bonnes relations avec les dirigeants islamistes, se rendaient souvent au siège d’Ennahdha, à Mon-plaisir, et a été l’un des artisans du rapprochement entre Rached Ghannouchi et le défunt président Béji Caïd Essebsi.

On n’aide pas les pauvres par la charité mais par le développement économique

Nabil Karoui axe donc sa campagne sur l’aide qu’il veut apporter aux pauvres et détaille longuement ce qu’il a fait depuis le décès de son fils pour aider les pauvres. Certes c’est charitable et c’est utile aux pauvres mais malheureusement ce n’est pas de la politique. La charité n’a jamais fait une politique.

Aider les pauvres c’est mener une politique économique qui développe le pays, qui crée de la richesse, qui offre des emplois et qui permet d’avoir une monnaie qui a de la valeur. Le pays se portant, c’est encore mieux les aider que de leur faire de la charité sous forme de repas ou de vêtement.

Aider les pauvres, c’est redonner à l’éducation nationale ses moyens et sa compétence et permettre à tous les enfants, y compris les pauvres, d’aller à l’école et d’apprendre en accordant des bourses par exemple.

Nabil Karoui se prend pour «la bonne dame charitable» du XIXe siècle, croyant faire de la politique ! C’est une tromperie manifeste. Son positionnement est de la démagogie et du populisme. Rien n’avancera avec ce genre de politique.

Alors comment lutter contre le populisme et ses dérives ? Il faut des responsables politiques sérieux patriotes et désireux de lutter contre ce qui le nourrit en mettant sur pied une réelle politique économique et sociale. Pas la charité, la justice sociale !

Vivement la troisième république !

Blog de l’auteur.

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