Il semble que les amis occidentaux du «Printemps de Tunisie» ont perdu patience… De plus en plus de voix de ceux qui avaient réservé une standing ovation à notre 14 janvier 2011 et salué l’exemplarité de la transition démocratique de notre pays seraient sur le point de se raviser…
Par Marwan Chahla
Un de ces rétropédalages nous est venu, la semaine dernière, des Etats-Unis où le sénateur républicain Rand Paul est en passe de devenir le «Monsieur Anti-Gaspi» des deniers publics américains. Sénateur du Kentucky, Etat du sud-est américain, depuis 2011, cet homme s’est forgé une solide réputation, au sein de la Chambre haute du Congrès des Etats-Unis et auprès de l’opinion américaine, de «flingueur» des gaspillages fédéraux.
L’assistance des Etats-Unis à la Tunisie est «quasiment inutile»
Dans le cadre de son projet intitulé ‘‘Waste Book’’, un rapport circonstancié sur la manière dont l’argent public américain est dépensé, Rand Paul a consacré une bonne partie de l’édition été 2019 de son journal aux «gaspillages de l’argent du contribuable américain en Tunisie.»
Selon cet homme: «il est vrai qu’aucun des postes des dépenses fédérales ne pourra, à lui seul, résorber le gigantesque déficit budgétaire fédéral [plus de 22.000 milliards de dollars, ndlr], mais chacune des dépenses inutiles, même les plus petites, rend cette tâche encore plus ardue.»
Dans chaque édition de son journal, Rand Paul établit une liste de ce qu’il considère comme des «dépenses fédérales abusives» consenties par le gouvernement des Etats-Unis au profit de certains pays alliés de Washington. Cette édition de l’été 2019 du ‘‘Waste Book’’, qui passe en revue «le gaspillage de 50 milliards de dollars américains», estime que l’assistance des Etats-Unis à la Tunisie dans les domaines du développement et reconstruction du pays est «quasiment inutile.»
«Qu’est-ce qui peut justifier que le département d’Etat continue de croire [après neuf années d’appui à la transition démocratique tunisienne] que d’autres millions de dollars supplémentaires du gouvernement des Etats-Unis puissent réussir là où les centaines de millions de dollars déjà accordés ont échoué ?», s’interroge Rand Paul.
Le sénateur du Kentucky a la réponse à sa question, et elle est catégorique: les efforts du département d’Etat, qui consistent à renforcer les institutions et le processus démocratiques en Tunisie et à consolider la confiance des citoyens en leur démocratie naissante, sont «tout simplement futiles.»
Rien ne sert d’«imposer aux Tunisiens la stabilité politique, de l’extérieur»
Selon Rand Paul, étant donné les longs retards pris par la transition démocratique tunisienne, il n’y aurait qu’un seul constat à faire: certes les tentatives américaines d’édification de nation (nation building) en Tunisie ont été moins désastreuses (et bien moins coûteuses) qu’ailleurs, mais les bonnes intentions des Etats-Unis ont été vaines car elles reviennent à «imposer aux Tunisiens la stabilité politique, de l’extérieur.»
Le moins que l’on puisse dire, conclut le sénateur, c’est que «l’implication du gouvernement américain dans les affaires internes de la Tunisie ne ferait que rendre la population tunisienne encore plus méfiante du processus politique du pays.»
Traduisons les propos du sénateur républicain: que les Tunisiens mettent de l’ordre dans leur maison et qu’ils passent au palier supérieur de leur construction démocratique… Alors, et seulement lorsque les Tunisiens auront appris à s’aider eux-mêmes – par les réformes, les assainissements de leurs systèmes et par le travail –, les Américains feront preuve d’une plus grande générosité à leur égard.
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