Slim Meherzi a adressé ce soir, jeudi 24 octobre 2019, une longue lettre aux Marsois, dans laquelle il fait le bilan et explique les raisons qui l’ont poussé à démissionner, hier, de la présidence du conseil municipal de la Marsa.
Par Yüsra Nemlaghi
Plusieurs habitants avaient appelé Dr Meherzi, en poste depuis juillet 2018, à revenir sur sa décision mais dans sa lettre, publiée sur la page officielle de la commune de la Marsa, il explique que sa décision et irrévocable et en présente les raisons.
Slim Meherzi, qui a indiqué avoir eu l’honneur de présider le conseil durant plus d’un an, estime que pour plus de transparence, il est nécessaire d’expliquer aux Marsoises et aux Marsois les raisons de son départ, tout en rappelant qu’il demeure membre du conseil municipal.
Il rappelle que 6 projets phares avaient été mis en place pour la ville de la Marsa, citant notamment la lutte contre la corruption, le clientélisme et les passe-droits en application de la loi, ou encore la mise en place d’une démocratie participative.
Pour Dr Meherzi, le bilan de 15 mois de gestion est mitigé : «Quelles que soient les explications, je me dois de l’assumer», a-t-il écrit, en assurant qu’il reste optimiste quant à la l’atteinte des objectifs en faisant de la Marsa une ville pour tous et où il fait bon vivre.
Parmi les objectifs non atteints, le maire démissionnaire évoque la relation de l’administration avec les citoyens : «une urgence à gérer, nos habitants ne sont pas reçus comme il se doit, et je ne suis pas parvenu à améliorer ce service», précise-t-il.
D’autre part, il est revenu sur un autre point majeur : «l’application de la loi, justement et dignement, a accaparé une grande partie de mon quotidien de maire, pertinemment convaincu que la démocratie ne pouvait être réelle sans droits et devoirs de tous nos citoyens», ajoute Slim Meherzi, en expliquant que sa relation était devenue conflictuelle avec la police municipale sous les ordres du pouvoir central, laissant entendre que les habituels lobbys proches du pouvoir central restent puissants et demeurent au-dessus de la loi.
«Ce pouvoir qui a décidé sans explications de changer le chef de la police municipale alors qu’il commençait à mieux collaborer pour une plus efficace organisation de l’application des décisions d’exécution des sanctions à l’encontre des auteurs des infractions», a-t-il dénoncé, en précisant que le nombre des agents a été réduit à 14 (contre 23 en janvier dernier), ce qui a freiné l’application de certaines décisions.
Le maire démissionnaire donne notamment pour exemple : 10 km de plage en situation de non droit, causant une perte financière estimée à 1,2 million de dinars tunisiens (MDT) et pour lesquels les décisions d’exécution pour infraction signées n’ont jamais été appliquées.
Le maire démissionnaire explique également que le budget voté en décembre 2018 n’a été obtenu qu’en juin 2019, causant des retards dans l’application de plusieurs projets, notamment ceux de la saison estivale.
«Dernière déception en date: la mutation du receveur municipal, sous contrôle du ministère des Finances, qui faisait un grand travail de recouvrement. Nous supplions depuis des semaines le receveur du gouvernorat de Tunis, qui contrôle nos dépenses, de nous libérer l’argent que nous avons alloué au curage indispensable des canaux, pour éviter les inondations avec les risques d’orage saisonniers», dénonce encore M. Meherzi.
Ce dernier espérait que la société civile de la Marsa joue, en plus de son rôle de lanceur d’alerte, celui de force de proposition et de liens entre les élus et les citoyens. «Cela n’a hélas pas toujours été le cas, c’est un amer constat», déplore-il encore, lui qui a toujours été un membre actif de la société civile de cette ville de la banlieue nord de Tunis.
Slim Meherzi alerte aussi sur les non-paiement des taxes municipales et adresse un messages à ses concitoyens : «Nous ne sommes que 28% à payer nos taxes municipales et 15% à régler les taxes économiques. Il faut être exigeants et vigilants pour les 30 élus que vous avez choisis pour 5 ans, mais il est temps pour vous d’honorer notre ville à tous, en payant vos taxes, afin qu’elles soient versées, sous votre contrôle et avec votre participation pour l’intérêt général et pour les projets de proximité dont nous avons besoin».
Pour conclure le maire démissionnaire a évoqué des conséquences des élections nationales en craignant que le pouvoir local et les conseils municipaux «soient mis en pâture et de n’être que des punching-ball, pour des citoyens en mal de vivre», dit-il.
«Mettre en conflit démocratie représentative, démocratie participative et démocratie directe entraînerait la fin du processus de décentralisation, essentiel pour notre démocratie», insiste-t-il, en se montrant néanmoins optimiste dans sa conclusion : «Nous avons une entière confiance en l’émergence d’un pouvoir local et d’une gouvernance locale participative porteuse d’innovations et de services pour les citoyens. Nous croyons que la Marsa changera».
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