La révolution de 2011 a eu de profondes répercussions sur l’industrie cinématographique en Tunisie. Après une forte baisse à la dernière décennie, le secteur est rapidement devenu une source stratégique de développement culturel, social, et économique. Les journées cinématographiques de Carthage, ouvertes samedi 26 octobre 2019, en sont la vitrine.
Par Amina Mkada
L’industrie cinématographique tunisienne s’était effondrée au début des années 90, après la décision de Ben Ali de transférer la propriété de la Société tunisienne de production et d’expansion cinématographiques (Satpec) à un monopole privé. Avec peu de moyens et incapables de rivaliser avec le divertissement à domicile, de nombreuses salles de cinémas avaient alors fermé.
La Tunisie comptait 100 salles de cinéma au lendemain de l’indépendance, en 1956, pour 3 millions d’habitants. Elle n’en comptait plus que 12 pour 11 millions d’habitants en 2011.
Une renaissance réelle du cinéma national
Huit ans plus tard, en 2019, la Tunisie compte environ 18 salles de cinéma pour près de 12 millions d’habitants, dont un multiplex de 8 salles, ouvert par la chaîne internationale Pathé Gaumont. Des projections ont également lieu dans des centres communautaires et culturels, comme la Cité de la culture de Tunis, construite sur 9 hectares.
Depuis lors, des cinémas locaux ont vu le jour, et le nombre des sociétés de production a rapidement augmenté. Les réalisateurs de films et de documentaires ont rapidement envahi le nouvel espace public, créé par le droit durement acquis de la liberté d’expression.
Une variété de documentaires et de films est devenue possible, maintenant que les gens n’ont plus peur de parler
Les documentaristes ont exploré les profonds problèmes de la société tunisienne, tels que l’oppression coloniale intériorisée et les structures sociales fossilisées, qui bloquent l’accès des jeunes à la société. Le film « The Last of Us » (2016) d’Alaeddine Slim est un exemple caractéristique de la nouvelle approche expérimentale des cinéastes tunisiens de l’actuelle génération.
De nombreux films tunisiens ont acquis une renommée internationale
Parmi les films tunisiens ayant eu une reconnaissance internationale, on citera « Hedi » du cinéaste Mohamed Ben Attia (2 prix au Festival international du film de Berlin en 2016), « La voie normale » de la cinéaste Erige Séhiri, en 2019, un documentaire sur la Société nationale des chemins de fer (SNCFT).
En 2018, la Tunisie a ouvert «La Factory», dans le cadre du festival de Cannes, ayant pour objectif d’encourager les jeunes réalisateurs du monde entier, et de promouvoir les films locaux. A la même année, Tunis a accueilli le festival du film «Mawjoudin Queer», le premier du genre dans la région Moyen Orient-Afrique du nord (Mena), une initiative de promotion des droits des homosexuels en Tunisie, qui restent encore controversés et criminalisés.
Les évolutions de la société tunisienne sous la loupe des cinéastes
Sans aucun doute inspirés par les changements sociaux post-révolutionnaires, les cinéastes tunisiens ont partagé leurs inquiétudes et leurs perspectives personnelles dans les longs métrages et les documentaires avec un message politique.
Entre 2011 et 2018, au moins 4 longs métrages ont été consacrés à la radicalisation religieuse et à de nombreux autres sujets, concernant la position de la femme, les luttes de la jeunesse, et l’évolution des relations entre parents et enfants dans la société tunisienne.
Mais en 2017 et 2018, affirmant qu’ils s’ennuyaient des histoires réalistes souvent pénibles qu’ils créaient souvent, les cinéastes tunisiens sont devenus assoiffés de différents genres de films et le public a bien répondu.
Ainsi, le réalisateur Abdelhamid Bouchnak a franchi une nouvelle étape dans l’histoire du cinéma tunisien en 2018, avec le 1er film d’horreur tunisien, « Dachra », l’un des meilleurs succès publics au cours des dernières années. Simultanément, « Porto-Farina » (2018), une comédie sociale de Ibrahim Letaief, a été largement saluée et projetée pendant plusieurs mois, dans la quasi-totalité des salles de cinéma du pays. Et ce n’est que le début d’un nouveau cycle qui promet d’être riche.
(Avec Fanack).
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