Nous fêtons aujourd’hui la journée mondiale des personnes handicapées. C’est l’occasion d’une réflexion sur l’insertion scolaire des enfants handicapés, car nous sommes à mille lieux de ce qu’on appelle «l’école inclusive».
Par Dr Salem Sahli *
En Tunisie, l’insertion sociale des personnes souffrant de handicap est une préoccupation récurrente dans l’agenda de nos gouvernants. Les mesures gouvernementales en faveur des handicapés sont nombreuses et les énumérer ici n’est pas notre propos. Signalons simplement que, sur ce thème, l’arsenal législatif tunisien s’est étoffé ces dernières années de plusieurs textes officiels ayant pour objectif de développer l’effort de solidarité et de favoriser l’intégration sociale des handicapés dans une perspective déségrégative. Ces textes concernent tous les domaines relatifs à la question du handicap et des handicapés : la prévention et le dépistage, les soins, l’éducation, l’emploi, la garantie d’un minimum de ressources, l’intégration sociale et même l’accès aux sports et aux loisirs.
Les parents des enfants handicapés livrés à eux mêmes
Récemment plusieurs circulaires administratives rappellent clairement la mission d’intégration scolaire assignée à l’école et dont doivent bénéficier les enfants en situation de handicap. Or, il n’est pas exagéré d’affirmer qu’à Hammamet, cette intégration est demeurée un concept administratif sans prise réelle avec le quotidien des enfants handicapés. Car, au quotidien, les parents sont livrés à eux-mêmes. Mal conseillés ou pas conseillés du tout, ils peinent à trouver des interlocuteurs avertis et finissent par abandonner et se résoudre à garder leurs enfants à la maison.
Nombreux sont les enfants en situation de déscolarisation qui demeurent à domicile. Ceux bénéficiant d’une prise en charge le doivent surtout à un investissement personnel des parents, investissement à la mesure de la blessure ressentie. Et nous ne parlons pas des enfants souffrant de troubles graves du comportement dont l’accueil et l’éducation requièrent compétences et moyens. Mais même s’agissant d’handicaps mineurs, la situation est souvent sans perspectives pour les familles.
Certains directeurs d’écoles font certes des efforts pour les «intégrer» dans des classes ordinaires, mais l’intégration scolaire ne peut reposer sur des volontés fussent-elles bonnes. Elle implique une qualité dans l’accueil, la définition de projet et les prises en charge, et ne saurait se limiter, comme c’est souvent le cas aujourd’hui, à un partage des locaux scolaires pour un an ou deux. Or, à ce propos, dans les 13 écoles primaires que compte la ville de Hammamet, nous n’avons pas trouvé un seul enseignant formé à l’accueil et l’éducation des élèves handicapés.
Quant aux structures spécialisées, une seule existe à Hammamet, elle est gérée par l’association Attafaol qui a élu domicile dans des locaux inadaptés à sa mission et souffre d’un flagrant déficit en moyens humains et matériels. Cette association doit être soutenue. Le plus gros contingent d’enfants handicapés relevant de ces établissements spécialisés doit être inscrit à Nabeul, autrement mieux loti, en grande partie grâce au travail remarquable effectué par les associations locales de parents d’enfants handicapés.
Les solutions doivent être adaptées au profil de chaque enfant
Il serait bien sûr simpliste et faux de rendre tel ou tel acteur, tel ou tel organisme, responsable de la situation actuelle. Les problèmes sont complexes et les solutions aussi, d’autant plus qu’elles doivent être individualisées, adaptées au profil de chaque enfant handicapé.
Toutefois, nous pensons qu’un minimum de coordination entre les acteurs locaux ayant en charge ce dossier (les services sociaux, l’éducation nationale, les services de santé scolaire, les associations et les familles) pourrait ouvrir des perspectives intéressantes sur la voie de l’intégration scolaire des enfants handicapés à Hammamet. Elle contribuerait par ailleurs à rompre l’impression d’isolement et d’impuissance des familles.
L’exemple de Nabeul montre bien que beaucoup de choses sont possibles avec peu de moyens, mais à une condition : l’enfant handicapé ne doit plus être considéré comme «étrange ou étranger» mais comme membre à part entière de la communauté.
Disons, en guise de conclusion, que l’intégration scolaire de l’enfant handicapé ne saurait être la responsabilité de la seule école ou d’une institution : elle sera le fait de la collectivité toute entière, ou ne sera pas.
* Activiste de la société civile à Hammamet.
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