Quatre citoyennes tunisiennes, mères de jeunes Tunisiens qui ont perdu la vie lors de leur tentative hasardeuse de rejoindre l’Italie, ont fait le déplacement à Agrigente, en Sicile, Italie, pour identifier les corps de leurs enfants. Seules deux d’entre elles ont été capables de reconnaître les dépouilles de deux victimes…
Par Marwan Chahla
Fekher, qui venait à peine de fêter son 18e anniversaire, selon le site Infomigrants, et rêvait de quitter la Tunisie pour voyager à travers le monde, a ignoré les prières de sa mère qui le suppliait de ne pas courir l’aventure trop risquée. Et pour avoir succombé à la tentation, Fekher a payé de sa vie lorsque l’embarcation de fortune sur laquelle il se trouvait coula, juste à quelques mètres de Lampedusa.
Lazhar, 32 ans, a fait de même, laissant derrière lui une épouse et leur fille âgée de quatre ans. Sauf que, pour lui, c’était une affaire de vie ou de mort: il était atteint de cancer et sa demande de visa pour soins a été rejetée par les autorités consulaires italiennes.
Les rêves brisées de Fekher et Lazhar
Les rêves de Fekher et Lazhar se sont brisés lorsque de fortes vagues d’une Méditerranée folle ont fait couler la frêle embarcation à bord de laquelle ils voyageaient.
Sur le total des 170 passagers de ce radeau de la mort, seuls 149 ont été sauvés, et 21 sont morts par noyade. Le procureur général adjoint Salavatore Vella, en charge de l’enquête sur cette catastrophe, a convoqué les mères de quatre de ces victimes afin qu’elles identifient leurs enfants. Grâce à des tests ADN, deux d’entre elles ont reconnu les corps de leurs fils; les efforts des deux autres ont été vains…
Dimanche, 15 décembre 2019, les quatre femmes ont été reçues par le maire de Palerme, Leoluca Orlando. En larmes, Zakia, la mère de Fekher, a montré une photo de son fils qui «voulait voyager à travers le monde», a-t-elle dit au responsable italien.
Le refus de visa à un malade est une honte
Pour sa part, Gamra, la mère de Lazhar, a déclaré à Leoluca Orlando que son fils ne voulait baisser les bras face à la tumeur qui rongeait son corps. «Il était tombé malade il y a quatre ans. Mais le consulat d’Italie en Tunisie lui a refusé sa demande de visa (…) Il a donc décidé de faire ce voyage, tout en prenant le plus grand soin d’envelopper sous plastique son dossier médical et de l’attacher fermement à son corps…»
Gamra et les trois autres mères tunisiennes, qui ont fait le déplacement en Italie grâce à des fonds collectés auprès de la communauté tunisienne de Palerme, vont devoir bientôt rentrer au pays. «Je vais rentrer les mains vides; je n’aurai même pas la dépouille de mon fils. Que vais-je dire à ma petite-fille, qui n’a jamais cessé de nous interroger sur l’absence de son père depuis qu’il a quitté la Tunisie ?», se lamente-t-elle.
Pour Leoluca Orlando, le refus de visa à Lazhar est tout simplement et humainement «une honte »…
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