Affaire du plateau continental l’ayant opposée à la Libye voisine, affaire de la Banque franco-tunisienne (BFT) et aujourd’hui l’affaire de récupération des avoirs spoliés par l’ancien clan Ben Ali : l’arbitrage international coûte trop cher à la Tunisie, qui ignore comment fonctionne ce système.
Par Amine Ben Gamra *
Preuve de cette ignorance : beaucoup de procédures d’arbitrage international ont coûté chèrement à la Tunisie. Sans résultats probants. De l’argent jeté (du contribuable) par la fenêtre, en somme. Nous en citerons ici quelques exemples.
Récupération des avoirs déposés à l’étranger par la famille Ben Ali
Après la chute de Ben Ali, le 14 janvier 2011, le gouvernement tunisien a rejeté les offres d’orientation sur la façon de récupérer les avoirs spoliés par la famille de l’ancien président et déposés à l’étranger. Il a constamment écarté les offres d’aide des cabinets d’avocats spécialisés, notamment à Londres, qui possèdent de solides références en la matière, préférant compter sur de faux experts tunisiens, gourmands, incompétents, et souvent liés à des lobbys affairistes. Or, si seulement une partie de ces avoirs déposés à l’étranger par les membres de cette famille était rapatriée, cela aurait donné un coup de fouet à la croissance économique de la Tunisie.
Le Conseil fédéral Suisse a rendu public, le vendredi 13 décembre 2019, sa décision de prolonger d’une année de plus le blocage préventif des avoirs en Suisse de l’ancien président. Cela concerne un montant d’environ de 60 millions de francs suisses. Ce blocage a été prolongé à plusieurs reprises. Mais les procédures judiciaires en cours en Tunisie contre Ben Ali et son clan tardent encore à aboutir. Pour, essentiellement, manque de compétence de la justice ?
Affaire de la Banque franco-tunisienne
L’affaire de la Banque franco-tunisienne (BFT) opposant le fonds d’investissement hollandais ABCI à l’Etat tunisien est la plus grande affaire de corruption de l’histoire de la Tunisie, selon l’expression même du chef du gouvernement Youssef Chahed.
Reconnu coupable par le Centre international d’arbitrage pour le règlement des différends relatifs aux investissements (Cirdi), relevant de la Banque mondiale (BM), notre pays risque d’être amené à payer d’importants dommages et intérêts, ce qui, on l’imagine, aura de très lourds conséquences sur les finances publiques, déjà très mal en point, et sur l’investissement extérieur, lui aussi à la traîne.
Pire encore : la Tunisie, qui continue de gérer très mal cette affaire en continuant à instrumentaliser maladroitement sa propre justice, comme si cela pouvait tromper la communauté internationale, risque de perdre toute crédibilité en tant que pays respectant le droit international.
Cette triste saga, qui remonte à la fin des années 1980, illustre les liens douteux existant en Tunisie entre les lobbys de la corruption, l’arrogance de certains affairistes et l’ineptie de tous les chefs de gouvernement, des ministres et des responsables de la Banque centrale de Tunisie (BCT) successifs, affichant un refus têtu de se plier aux règles de l’arbitrage international.
Affaire du Plateau continental Tunisie/Libye
Dans son différend avec la Libye sur la délimitation du plateau continental dans le golfe de Gabès en 1982, la Tunisie a perdu l’affaire face à son voisin du sud. On savait que le golfe de Gabès possédait de riches gisements de pétrole et de gaz, mais le gouvernement tunisien était convaincu de ses revendications et refusait d’être défendu par les meilleurs avocats internationaux qu’il jugeait trop coûteux.
Si davantage de procédures d’arbitrage international vont aller à l’encontre de la Tunisie, notamment dans le secteur bancaire et dans celui des hydrocarbures, cela aura de graves retombées sur l’investissement extérieur dans notre pays. L’atteinte à la réputation de la Tunisie en tant que centre d’investissement attrayant pour les entreprises internationales sera immense. Si cela se produisait, le mieux serait d’annuler les tournées internationales de promotion du site Tunisie en tant que lieu attractif pour les investissements étrangers. Car ce serait coûteux et inutile.
Pour toutes ces raisons, le prochain gouvernement doit inclure nécessairement dans sa composition des compétences réelles dans l’arbitrage international – et non de mauvais conseillers personnellement intéressés ou servant les intérêts des lobbys qui les ont nommés, comme cela fut le cas jusque-là.
* Expert Comptable, commissaire aux comptes, membre de l’Ordre des experts comptable de Tunisie.
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