L’industrie tunisienne du textile, relativement polluante, se met à l’heure du vêtement respectueux de l’environnement. Le traitement des rejets chimiques des usines devient, également, une urgence pour les opérateurs dans une approche d’économie verte et circulaire, où les déchets sont recyclés et revalorisés.
Par Khémaies Krimi
Un séminaire sur la sensibilisation des opérateurs tunisiens du textile aux avantages économiques, écologiques et industriels qu’ils peuvent tirer, sur le long terme, de la production de vêtements respectueux de l’environnement et du traitement des déchets de leurs usines avant leur rejet dans la mer, s’est tenu, le 26 novembre 2019, à Tunis.
Organisé par la Fédération tunisienne du textile et de l’habillement (FTTH), sur le thème : «Promouvoir des chaînes de valeur circulaires pour une industrie textile compétitive et durable en Tunisie», ce séminaire a été une opportunité pour lancer, à cette fin, de l’initiative Med Test III en Tunisie, au Maroc et en Egypte.
En gros, le concept Med Test est une initiative de l’Organisation des nations unies pour le développement industriel (Onudi) en faveur de l’industrie verte, dont l’objectif est de promouvoir la durabilité et la compétitivité dans le secteur privé en Tunisie, en Egypte et au Maroc. L’approche intégrée Test comprend des outils tels que l’utilisation efficace des ressources, la production plus propre, le système de gestion et de compatibilité environnementale, le transfert de technologies propres.
Elaborée par l’organisation Switchmed, qui œuvre pour le renforcement des innovations sociales et écologiques en méditerranée, l’initiative, Med Test III, financée par l’Union européenne (UE) et mise en œuvre par l’Onudi, se propose de promouvoir des industries propres au sud de la méditerranée, à travers le transfert de «technologies écologiquement rationnelles».
Vers la promotion des industries propres au sud de la Méditerranée
Concrètement, Med Test III, a pour but de mettre en place un écosystème valorisant les déchets textiles postindustriels et pré-consommation, tout en incitant les entreprises à adopter des protocoles chimiques plus sûrs et plus écologiques. L’ultime objectif étant de développer, au sud de la Méditerranée, des modes de production industrielle et de consommation durables.
Dans le détail, Stefano Dotto, représentant de l’UE, Med Test III, va «renforcer les infrastructures locales, l’expertise technique et le savoir-faire pour assurer un processus de recyclage, ayant un impact environnemental plus atténué». Selon lui, Med Test III, va conclure des «Green Deals» sur cinq ans avec des entreprises locales. «L’ambition du programme est d’atteindre 0% de pollution, grâce à la mise en place d’une cartographie des déchets textile. Les entreprises doivent créer à leurs tour, des partenariats commerciaux pour un recyclage plus efficace», a-t-il précisé.
Au cours de ce séminaire, qui est intervenu après une première rencontre organisée en juin 2019 pour familiariser les industriels du secteur textile aux outils de mesure des performances environnementales de leurs activités, des experts ont démontré comment, de nos jours, un client sur six à travers le monde conditionne l’achat d’un vêtement au degré de responsabilité sociale et environnementale des usines de textile.
En amont, il a été question de sensibiliser les opérateurs tunisiens de textile au gaspillage de l’eau utilisée dans le secteur, particulièrement dans la production de coton et de jeans, et en aval à l’impact négatif des produits chimiques utilisés (polyester…) et rejetés, sans traitement, dans la mer, sur les produits halieutiques consommés par les gens.
Pourquoi le choix de la filière textile ?
Le secteur du textile a été choisi pour bénéficier, en priorité, de Med Test III, voire de ce transfert de technologies écologiques en raison de sa forte employabilité. À ce propos, la conseillère technique de Switchmed, chargée du projet Med III, Roberta De palma, a indiqué que «ce choix s’explique par le fait que le secteur est le plus grand employeur en Tunisie avec 1600 entreprises qui emploient 160.000 personnes et que la Tunisie est aussi un pays clé pour les industries textiles européennes, notamment, pour celles spécialisées dans la fabrication du denim (tissu utilisé dans la confection de jeans)». «Malheureusement, ces industries produisent une quantité significative de déchets post-industriels, face à une absence quasi-totale d’écosystème de recyclage», a-t-elle déploré.
Pour sa part, Hosni Boufaden, président de la FTTH, a reconnu que «l’industrie du textile contribue largement au gaspillage de l’eau». «De plus, a-t-il-dit, elle exige l’utilisation de produits toxiques, nocifs pour l’environnement». Boufaden a révélé également que la fabrication d’un seul t-shirt nécessite l’utilisation de deux matières, le coton et le pétrole, pour pouvoir créer de la fibre synthétique en tissu.
«Ces mêmes produits de base, subissent ensuite des opérations de coloration, de teinture, de rinçage, séchage, et puis de finissage, durant lesquels l’énergie est gaspillée. Une fois confectionné, ce t-shirt doit parcourir les itinéraires logistiques de commercialisation, qui ont aussi un impact sur l’environnement, du fait du transport jusqu’au marché cible», a-t-il dit.
Pour y remédier au niveau de la Tunisie, il a proposé plusieurs actions. Elles consistent à limiter les dégâts des industries du textile, à adopter un nouveau modèle économique circulaire qui valorise les déchets dans la chaîne de valeur de textile et à de recycler les vêtements usagés, les tissus techniques en fin de vie et les chutes de fabrication des filatures et usines de moulinage.
Et pour ne rien oublier, le projet Med Tes en Tunisie a ciblé, au total, trois secteurs industriels, le textile, l’agroalimentaire et le cuir.
Ces secteurs fondamentaux pour l’économie tunisienne comptent parmi les principaux fauteurs de pollution industrielle en eaux usées, charges organiques et émissions de substances toxiques et parmi les principaux utilisateurs d’eau et d’énergie.
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