Dans le numéro du lundi 30 décembre 2019 du Journal officiel de la république tunisienne (Jort), nous avons appris le limogeage (ou pour utiliser le terme juridique plus policé, la fin de mission) de l’ambassadeur de Tunisie à Paris, Abdelaziz Rassâa et du consul général à Paris, Ali Chaalali. Raison : mystère et boule de gomme.
Par Imed Bahri
Comme nous a habitués l’actuelle communication présidentielle peu prolixe, les informations manquent souvent si elles filtrent déjà. Le limogeage n’a été rendu public que par le Jort, ce qui est obligatoire pour toute nomination ou fin de mission. Bien entendu, personne n’a rien su avant et rien n’a été communiqué. Y avait-il péril en la demeure pour précipiter le départ de Rassâa et Chaalali?
Une enquête basée sur des rumeurs colportées sur Facebook
Le 21 décembre, une enquête avait été ouverte suite à des rumeurs propagées sur Facebook sur des soupçons de corruption à l’ambassade de Tunisie à Paris. Or les rumeurs, les fake news et les intox propagés sur Facebook, il y en a à la pelle toutes les heures et concernent tout le monde y compris le président de la république qui en fait les frais tous les jours.
Ces rumeurs étaient-elles fondées? Y avait-il des preuves? Les rumeurs concernaient-elles l’ambassade ou le consulat ou les deux? Pourquoi cette précipitation? Egalement, le ministère des Affaires étrangères a mentionné dans son communiqué du 21 décembre dernier que dès que l’enquête est achevée, ses résultats seront rendus publics. Or, lesdits résultats n’ont pas encore été rendus publics, cette enquête n’est donc pas encore achevée. Par conséquent, limoger l’ambassadeur et le consul général alors que l’enquête en question, basée sur des rumeurs propagées sur Facebook, n’est pas achevée met en doute cette version.
Cherche-t-on à libérer des places pour les fidèles ?
Tout le monde sait que MM Rassâa et Chaalali étaient deux proches du défunt président Béji Caïd Essebsi (BCE) et que Paris a toujours été la chasse gardée du pouvoir présidentiel de Wassila Bourguiba, à Zine El-Abidine Ben Ali, à Moncef Marzouki, à BCE, on n’y nomme que des fidèles parmi les fidèles. Donc fallait-il dire et assumer que pour cette raison les deux concernés ont été débarqués et non pas ouvrir une enquête qui laisse penser que les concernés peuvent être des corrompus, n’attendre même pas le résultat de l’enquête et les limoger ? Et quand on les limoge et on ne révèle même pas les raisons. En définitive, jeter les gens en pâture pour s’en débarrasser n’est pas une méthode très élégante surtout venant de Kaïs Saïed, à moins qu’on ne veuille libérer des places pour les fidèles! Et cela aussi, il faut l’assumer.
Raouf Betbaieb dans son jardin
Tout le monde sait que l’homme fort du Palais de Carthage, l’ambassadeur Raouf Betbaieb a son mot à dire sur tout mais surtout concernant les affaires étrangères et les décisions relatives au département et aux nominations y afférent. Il a déjà eu la tête de l’ex-ministre des Affaires étrangères (AE) Khemaies Jhinaoui avec qui les rapports étaient exécrables. Un nouveau secrétaire-général du ministère et un nouveau chef de cabinet du ministre ont été récemment nommés et ce sont deux de ses proches du temps où il dirigeait le syndicat des AE qu’il a fondé. Les familiers du département estiment que c’est lui le véritable chef de la diplomatie tunisienne. Les places ont-elles été libérées à Paris pour nommer aussi les copains et les coquins? Si c’est le cas, il faut l’assumer et non pas jeter en pâture les gens et s’en débarrasser d’une manière douteuse. S’ils ont commis des écarts prouvés et documentés, les Tunisiens doivent le savoir et des mesures doivent être prises à leur encontre et annoncés publiquement.
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