Le député d’Ennahdha, Mokhtar Lamouchi, a indiqué hier soir, 4 janvier 2020, via un post Facebook, la décision de son parti quant à l’attribution de sa confiance au chef du gouvernement désigné, Habib Jemli, au terme de la réunion du conseil de la Choura. Sans surprise…
Par Cherif Ben Younès
Cette décision a été, bien entendu, de voter en faveur du gouvernement Jemli, dont la composition a été annoncée jeudi dernier, 2 janvier.
Ennahdha étant le parti qui a désigné M. Jemli et qui l’a «accompagné» tout au long du processus de la formation du gouvernement, pour ne pas dire qu’il lui en a imposé la composition, le contraire aurait été bien surprenant.
Mokhtar Lamouchi assure pourtant que son mouvement a failli retirer à Habib Jemli ses responsabilités (de chef de gouvernement désigné) parce que ce dernier «a dévié de la politique d’Ennahdha», sans préciser en quoi consiste cette fameuse politique d’Ennahdha.
Ennahdha votera comme un seul homme pour le gouvernement Jemli
«Mais parce que le Conseil de la Choura a du respect pour l’intérêt du pays, il a été décidé, après de longues discussions, de soutenir le gouvernement de compétences politiques et de donner l’ordre au bloc [d’Ennahdha, au parlement] de voter en sa faveur. La situation du pays ne supporte plus le contraire», a-t-il ajouté.
En réalité, il était difficile pour M. Jemli de satisfaire tout le monde à Ennahdha parce que le mouvement lui-même était divisé de l’intérieur et que rien qu’à travers les déclarations médiatiques de ses dirigeants, on pouvait aisément discerner deux positions contradictoires concernant la formation du prochain gouvernement…
La première refusait catégoriquement toute alliance avec Qalb Tounes, dont le président, Nabil Karoui, est poursuivi en justice pour fraude fiscale, corruption financière et blanchiment d’argent, et «poussait» pour aboutir à un gouvernement rassemblant les partis dits «révolutionnaires» , à l’instar d’Attayar et d’Echaâb. C’est notamment le cas d’Abdellatif Mekki.
La deuxième position consistait, quant à elle, à justifier auprès de l’opinion publique l’autre option (celle de composer un gouvernement Ennahdha – Qalb Tounes), étant la solution la plus plausible et surtout la moins risquée pour Ennahdha, autour duquel des soupçons de tout genre planent et qui n’avait donc aucun intérêt à partager le pouvoir avec des partis faisant de l’intégrité – et notamment de la lutte contre la corruption – un objectif national. C’est la position de Rafik Abdessalem à titre d’exemple, le gendre du président d’Ennahdha, Rached Ghannouchi, étant lui aussi poursuivi dans des affaires de corruption et d’abus de biens publics.
M. Jemli ne pouvait pas satisfaire tout le monde à la fois, mais, comme pour montrer ses bonnes intentions, il a travaillé sur les deux options en même temps, comme il l’a lui-même sous-entendu à travers une déclaration aux médias, soulignant qu’il avait, pour son gouvernement, divers plans.
Difficile pour Ennahdha de trouver quelqu’un d’aussi obéissant que M. Jemli
Pour le reste, notamment pour savoir quand faire quoi, il s’est laissé guider par le leader du mouvement islamiste, Rached Ghannouchi, qui se permettait même de parler à sa place lors d’une réunion avec le président de la République ayant pour objet les concertations autour de la formation du prochain gouvernement.
En d’autres termes, il aurait été compliqué pour Ennahdha de trouver quelqu’un d’aussi obéissant que M. Jemli pour le poste de chef de gouvernement. Par conséquent, il est difficile de prendre au sérieux les propos de Mokhtar Lamouchi, qui a l’air d’essayer simplement de promouvoir une image enjolivant la réalité. Celle d’un parti uni et d’un chef de gouvernement doté d’un pouvoir de décision, ce dont beaucoup doutent, et à juste titre.
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