Dans un entretien accordé aujourd’hui, mercredi 5 février 2020, à Mosaïque FM, le président du parti islamiste Ennahdha, Rached Ghannouchi, a dit et répété que Qalb Tounes, en cette étape cruciale, est une formation politique dont l’inclusion est absolument indispensable… Il avertit Elyès Fakhfakh et l’appelle à rectifier sa démarche, sinon son gouvernement ne passera pas.
Par Marwan Chahla
Pour Rached Ghannouchi, il est hors de question que les choses se fassent dans le pays sans que Qalb Tounes, le parti de Nabil Karoui, hier encore voué à toutes les gémonies, n’y ait son mot à dire. Il explique que le parti islamiste s’oppose de manière catégorique à ce qu’il qualifie d’«exclusion» de Qalb Tounes et à toutes les formes d’exclusion.
«Vous rendez-vous compte du danger que représente pareille démarche [celle décidée par Elyès Fakhfakh, ndlr] qui cherche à exclure Qalb Tounes ? D’ailleurs, nous disons cela en défense de Qalb Tounes, mais nous le disons également et le dirons toujours de toutes les autres formations politiques.»
«Ne seront exclus que ceux qui décident eux-mêmes de s’exclure»
Et, pour justifier son soutien quasi-obsessionnel du parti de Nabil Karoui, Rached Ghannouchi recourt à l’argument arithmétique: «Où irait-on chercher les voix parlementaires pour le vote de confiance, pour faire passer des lois ordinaires et, pire encore, pour la création de la Cour constitutionnelle, par exemple… Il faut donc être sérieux, réaliste, pragmatique.»
Traduisons: selon Ghannouchi, le chef de gouvernement désigné Elyès Fakhfakh a commis l’erreur de distribuer le rôle de ceux d’entre les partis politiques qui participeront au pouvoir et ceux qui seront dans l’opposition. «Non, rétorque le président d’Ennahdha, il ne revient nullement à Elyès Fakhfakh de prendre une telle décision. C’est aux partis représentés à l’Assemblée des représentants du peuple de déterminer leurs sorts et de choisir librement s’ils souhaitent tel ou tel camp. Ne seront exclus que ceux qui décident eux-mêmes de s’exclure».
Il fait allusion, par cette dernière phrase, au Parti destourien libre (PDL), présidé par Abir Moussi, qui a affirmé ne pas vouloir participer au gouvernement Fakhfakh, au grand soulagement des islamistes, ses ennemis jurés.
«Et ce choix [d’être ou de ne pas être au pouvoir, ndlr], conseille Rached Ghannouchi, doit se fonder sur des raisons programmatiques. Rien d’autre que l’argument d’un programme économique, social et politique pour sauver le pays. Les autres considérations ne comptent pas ou passeraient au second plan.»
«Elyès Fakhfakh est loin, très loin du compte»
Au rappel de son interviewer Boubaker Ben Akeicha qu’Elyès Fakhfakh a affirmé qu’il est sûr, lors du vote de la plénière de l’ARP, d’obtenir pour son équipe gouvernementale «160 voix», Rached Ghannouchi a balayé d’un revers de main cette estimation: «Telles que les choses sont menées par Elyès Fakhfakh, on est loin, très loin de ce compte. Non, ça n’est pas vrai que le chef de gouvernement désigné dispose d’un socle politique et parlementaire aussi solide qu’il ne le prétend. Et je sais de quoi je parle.»
La menace du président d’Ennahdha est à peine voilée: si Fakhfakh n’accepte pas de jouer le jeu tel que défini par le duo Ghannouchi-Karoui, il tombera – vaille que vaille…
Comprenons donc qu’Ennahdha de Rached Ghannouchi fera tout pour que rien ne se fasse sans Qalb Tounes de Nabil Karoui. Pour des raisons nombreuses – de dossiers divers et d’affaires variées ! –, rien ne séparera le gourou de Montplaisir du patron magouilleur de Nessma TV et de Khalil Tounes…
Ainsi va la démocratie d’opérette à la Tunisienne : la racaille au pouvoir, pour dire les choses crûment !
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