Pourquoi Ennahdha tient absolument à faire participer Qalb Tounes au prochain gouvernement, après avoir tout tenté, dans un passé pas si lointain, pour l’exclure de la scène politique tunisienne ? Cela s’expliquerait par un deal conclu entre les présidents des deux partis, Rached Ghannouchi et Nabil Karoui, selon le dirigeant au sein du Courant démocrate (Attayar), Hichem Ajbouni…
L’invité de Shems FM, hier après-midi, 5 février 2020, a indiqué que Ghannouchi craint de perdre sa place à la tête de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP). Sa présidence étant devenue particulièrement vulnérable depuis sa visite controversée à Istanbul, au lendemain de la chute du gouvernement Jemli, pour y rencontrer le président turc, Recep Tayyip Erdoğan.
En contrepartie, Karoui fait face à de sérieuses poursuites judiciaires relatives à des affaires d’évasion fiscale et de blanchiment d’argent, et également de contrat de lobbying violant la loi électorale.
Pour M. Ajbouni, les deux leaders ont donc des intérêts communs qui les poussent à s’unir. «C’est la seule explication possible», affirme-t-il, tout en rappelant les fluctuations étonnantes d’Ennahdha dans ses positions à l’égard de Qalb Tounes.
En effet, le mouvement islamiste avait bâti sa campagne électorale sur la lutte contre le parti de Nabil Karoui, a-t-il poursuivi, notamment en l’étiquetant comme étant celui de la corruption ou encore des «macaronis» (par allusion aux pâtes que distribuait, hypocritement, le fondateur de Qalb Tounes, aux pauvres, devant les caméras de sa propre chaîne, Nessma, pour gagner leur soutien aux élections, ndlr).
Ajbouni a également rappelé qu’Ennahdha avait même présenté une initiative législative à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) pour exclure Nabil Karoui des élections, quelques semaines seulement avant la tenue de celles-ci.
«C’est donc Ennahdha qui voulait réellement exclure Qalb Tounes et c’est ce même parti qui crie aujourd’hui au scandale en accusant Elyes Fakhfakh de l’avoir exclu», s’est étonné le jeune politicien, pour qui, le choix du chef du gouvernement désigné ne peut, en aucun cas, être associé à l’exclusion, expliquant que dans toutes les démocraties du monde, il y a, naturellement, des partis au pouvoir et d’autres dans l’opposition, et que c’est à celui qui est chargé de gouverner (en l’occurrence, M. Fakhfakh) de choisir ses alliés et sa ceinture politique.
Sur un autre plan, Hichem Ajbouni, a indiqué que son parti n’a jamais considéré Ennahdha comme étant un mouvement révolutionnaire…
«On ne peut pas être manipulateur et ayant un financement manquant de transparence et provenant de sources douteuses et parler en même temps de révolution», a-t-il taclé le parti islamiste, tout en rappelant qu’Attayar a porté plainte (et l’affaire est en cours) contre ce mouvement pour le contrat de lobbying à 1 million de dollars qu’il a conclu avec une société étrangère pour promouvoir son image.
Dans le même cadre, et afin de consolider sa position, Ajbouni a rappelé qu’Ennahdha était à l’origine de la Loi sur la réconciliation, qui est considérée comme étant typiquement anti-révolutionnaire.
Le dirigeant d’Attayar a, par ailleurs, justifié les concertations que tient, pourtant, son parti avec Ennahdha – en vue de gouverner ensemble – par les contraintes du «jeu de la démocratie» : «Dans le cadre de la démocratie, on ne peut pas refuser de se concerter avec le parti qui a été choisi par les Tunisiens».
Il faut dire aussi que Fakhfakh n’aurait, surtout, aucune chance d’obtenir la confiance du parlement s’il écartait à la fois Ennahdha et Qalb Tounes. Il lui a donc fallu faire un choix entre ces deux partis controversés et il a opté pour celui qui a gagné les élections législatives.
C. B. Y.
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