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Limogeage de Moncef Baâti: La présidence s’explique et s’enlise…

Moncef Baati / Kaïs Saïed.

Le désolant feuilleton de la révocation de Moncef Baâti n’a pas fini de dérouler ses épisodes surprenants. Le palais de Carthage nous a gratifiés, hier soir, lundi 10 février 2020, d’un autre rebondissement : le diplomate congédié –auquel il est reproché d’avoir agi sans consulter la présidence de la République, le ministère des Affaires étrangères (MAE), ni les pays arabes qu’il est censé représenter– se démènerait auprès de certaines chancelleries pour qu’il soit rétabli dans ses fonctions…

Par Marwan Chahla

Dans une longue mise au point, dont l’agence Tap a obtenu une copie dans la soirée d’hier, la présidence de République est de nouveau revenue à la charge pour justifier la décision de mettre un terme à la mission de Moncef Baâti, l’ex-représentant permanent de la Tunisie auprès de l’Organisation des nations unies (ONU) et du Conseil de sécurité (nommé en septembre dernier et donc resté en poste moins de 5 mois).

En réponse à la critique que ce limogeage constitue «un rétropédalage», le palais de Carthage est catégorique: «La Tunisie n’a cédé ni aux marchandages, ni aux pressions, car lorsqu’elle défend le droit, elle ne prend en considération que le droit légitime… – le droit du peuple palestinien n’étant pas une marchandise passée au solde du compte de pertes et de profits », lit-on dans ce communiqué de la présidence de la République.

Une présidence victime de sa propension à la… victimisation

Cette mise au point souligne aussi que «le droit des peuples à l’autodétermination est un principe fondamental approuvé par le droit international, et ni l’occupation ni les tentatives de donner une fausse légitimité à cette occupation ne peuvent le changer».

Nul, en Tunisie, n’oserait dire le contraire…

A bien lire cette explication du palais de Carthage, il y aurait eu manigance et malveillance: Moncef Baâti se serait rendu coupable d’avoir écouté «certaines parties» en Tunisie (lesquelles ? mystère et boule de gomme) qui lui auraient dicté un projet de résolution à soumettre au Conseil de sécurité. Selon la présidence de la République, l’initiateur du projet en question «savait à l’avance que ce texte rencontrerait l’opposition de plus d’un pays et son objectif était de porter atteinte à la Tunisie, et à son président en particulier, qui a affirmé à plusieurs reprises que le droit palestinien est un droit imprescriptible».

Il y aurait donc eu complot contre la Tunisie et, surtout, contre son chef de l’Etat… Et la présidence de la République aurait déjoué ce piège.

Tous ces détails – dignes de séries télévisées américaines à la « House of Cards »– et, d’ailleurs, qui ne sont fournis que par le palais de Carthage, en disent long sur le niveau «élémentaire» auquel la diplomatie tunisienne a été ramenée. S’il y a eu faux pas de la part de Moncef Baâti, cette erreur aurait pu être corrigée sans en ameuter le monde entier –la diplomatie étant l’art de la discrétion… Et puis, il aurait fallu adopter un ton moins «meeting au campus de la Faculté de droit de Tunis, dans les années 1980». En diplomatie, on le sait, tout est dans la forme. Et la retenue…

Une diplomatie de militantisme estudiantin

La diplomatie est également connaissance des limites de ce qu’un pays peut faire ou ne pas faire: par pragmatisme ou ce que l’on appelle realpolitik, il est des fois où le profil bas est préférable au coup d’éclat tonitruant qui risque de revenir comme un boomerang; il est également une règle générale que le populisme est une denrée à consommation interne –d’ailleurs, même à ce niveau local, la modération est très recommandée.

Bref, la diplomatie tunisienne a tout intérêt, et de toute urgence, de se retrouver, de retrouver ses repères et une meilleure tenue et de s’élever.

A quoi sert-il, par exemple, d’insulter Moncef Baâti –qui aurait cherché, selon la présidence de la République, le soutien de pays étrangers pour que sa révocation soit annulée– en lui suggérant d’aller «mendier un appui auprès de l’entité sioniste» ?… C’est d’un niveau bas, trop bas pour ne pas être dénoncé. Un président de la république digne de ce nom ne peut pas se permettre cela.

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