Selon le juriste Chedly Mamoghli, le débat public en Tunisie est bipolarisé par Abir Moussi, présidente du Parti destourien libre (PDL) et Seïfeddine Makhlouf, porte-parole de la coalition Al-Karama, qui tirent ce débat vers le bas.
Par Imed Bahri
Les deux députés ont peu de choses en commun, sauf de dominer leurs formations politiques respectives jusqu’à l’écrasement. «Deux extrémistes des deux bords atteints par les mêmes maux: la mégalomanie, le nombrilisme et l’arrogance. Ils ont fait de l’excès leur leitmotiv. Deux fascistes qui élèvent la négation de l’autre en raison d’être et en principal ‘‘argument’’ politique», écrit Chedly Mamoghli dans un post facebook, publié mardi 3 mars 2020.
Les petites phrases, les clashs et la politique-spectacle
Selon le juriste, les deux dirigeants, appartenant à des mouvements aux antipodes l’un de l’autre, «ne sont obsédés que par une seule et unique chose: faire vibrer leur virage avec les petites phrases, les clashs et la politique-spectacle.» D’ailleurs, ajoute l’analyste, «ils n’y vont pas de main morte et ne connaissent aucune limite. L’hémicycle de l’Assemblée et les plateaux télé sont leurs arènes. Et gare à celui ou celle qui ose critiquer l’un d’eux. Leurs hooligans fanatisés sur les réseaux sociaux se chargent de son intimidation en crachent leur venin.»
Tout en déplorant «la confiscation et la bipolarisation du débat public» par ces «deux extrémistes qui parce qu’ils crient le plus fort possible et se livrent à tous les excès marquent l’opinion, l’influencent et la façonnent à bien des égards», Chedly Mamoghli estime que cette situation est rendue possible «par le règne de l’instantané (qui se manifeste par les petites phrases, la politique spectacle et les clashs), un règne imposé par les réseaux sociaux et la grande place qu’ils occupent et par l’affaissement des médias conventionnels qui sont condamnés à se prendre au jeu ou disparaître.»
Conséquence, tout aussi déplorable, que souligne l’auteur : «Ceux qui parlent avec la raison sont ignorés. Ceux qui parlent avec la passion sont écoutés. Ceux qui parlent calmement sont marginalisés. Ceux qui crient, qui hurlent et qui gueulent sont adulés. Ceux qui ont une vision sont chassés et ceux qui balancent n’importe quoi sont idolâtrés.»
Les agités du bocal font du buzz et de l’audience
Ce diagnostic, d’une rare lucidité, explique, en partie, la médiocrité du débat politique actuel en Tunisie où la démocratie, réduite à sa plus simple expression, à savoir le rituel électoral, n’a pas permis l’émergence de ce qu’il y a de meilleur dans le pays mais a libéré tous les monstres et rendu possible toutes les dérives et tous les abus.
On comprend dès lors que, face à tant de médiocrité, qui écœure et qui désole, la crème du pays évite les lumières voire se cache pour ne pas avoir à subir l’insulte, l’offense et l’intimidation, laissant la place, toute la place, aux agités du bocal comme Abir Moussi et Seifeddine Makhlouf, deux effrontés qui ne reculent devant aucune énormité, ne craignant pas de se couvrir de ridicule et d’être la risée de leurs concitoyens. Et pour cause : ils savent, par expérience, que plus c’est plus c’est gros et plus c’est grossier, plus ça buzze et plus ça donne de l’audience. Lisez les commentaires satisfaits et ravis de leurs «groupies» sur les réseaux sociaux, et vous aurez envie de vomir!
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