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Tunisie : Une guerre intestine secoue l’UGTT

Lassaad Yacoubi à l’assaut de la citadelle Noureddine Taboubi.

On se demandait depuis l’avènement d’Elyes Fakhfakh à La Kasbah où était passé la très bagarreuse Union générale tunisienne du travail (UGTT), et bien nous avons la réponse : la puissante centrale syndicale est le théâtre d’une guerre de pouvoir qui ne finira pas de sitôt.

Par Imed Bahri

Hier soir, mardi 3 mars 2020, dans l’émission ‘‘Maa Annès’’, diffusée avant le JT de 20 heures de la Watania 1, l’un des invités était le tonitruant dirigeant syndicaliste Lassaâd Yacoubi, connu pour avoir croisé le fer avec tous les ministres de l’Education nationale successifs, mais cette fois-ci, changement de sujet et la surprise était de taille, il brisa l’omerta et révéla la guerre intestine qui secoue actuellement la centrale syndicale.

D’habitude les problèmes de l’UGTT ne dépassent pas les murs épais de la lugubre bâtisse de la place Mohamed Ali, au centre-ville de Tunis, sauf que cette fois-ci, le têtu Lassaâd Yacoubi en a décidé autrement et était déterminé à aller vider son sac à la télé.

Taboubi et ses compères ne veulent plus céder les rênes

La nomenklatura syndicaliste se trouve déchiré par la question de l’amendement de l’article 20 du règlement intérieur du syndicat (surnommé par Yacoubi «Dostour Al Ittihad», la Constitution de l’UGTT, ça en dit long s’ils se considèrent comme un Etat dans l’Etat). Cet article stipule que les membres du bureau exécutif n’ont droit à s’y représenter qu’une seule fois, donc un mandat de cinq ans renouvelable une seule et unique fois. De fait, un membre du bureau exécutif ne peut y siéger que pour une durée maximale de 10 ans.

Sauf que 9 des 13 membres de l’actuel bureau exécutif dont Noureddine Taboubi et le très politisé Bouali Mbraki sont déjà à leur deuxième mandat et ne pourront donc pas se représenter au prochain congrès. Ne plus pouvoir se représenter signifie qu’ils ne siégeront pas dans pour une troisième fois au sein du bureau exécutif et donc ne pourront pas être secrétaire-général ou secrétaire-général adjoint de l’hégémonique centrale syndicale qui souffle le chaud et le froid sur la Tunisie depuis 2011. Cela signifie pour eux être éjecté de la nomenklatura de l’UGTT et donc perdre toute influence. Après la grandeur, la décadence. Car faire partie du bureau exécutif de l’UGTT c’est comme faire partie naguère du Politburo du Parti communiste de l’Union soviétique. Au-delà du pouvoir, il y a aussi les privilèges pour eux, leurs rejetons et leurs familles. Qui ne se souvient pas du fils de Taboubi entré à la société publiue SNDP-Agil sans concours et bombardé comme par miracle patron du bureau syndical de la compagnie? Qui ne se souvient pas du mariage royal du fiston chéri et gâté de Bouali Mbarki cet été, à Sidi Bouzid? Inoubliable! Doit-on le rappeler mais aux frais de qui? Mystère et boule de gomme.

La nomenklatura veut bidouiller le règlement intérieur

Les Taboubi, Mbarki et leurs compères, en perdant leur pouvoir syndical, craignent aussi de rendre des comptes à la justice surtout que des soupçons d’enrichissement illicite pèsent sur eux et que le fonctionnement opaque de la centrale syndicale échappe à tout contrôle.

Et bien les 9 membres de la nomenklatura, agacés par ce maudit article 20 qui risque de les renvoyer à leur passé de prolétaires et les jeter aux oubliettes, veulent ni une ni deux convoquer un congrès extraordinaire pour modifier cet article afin de pouvoir se représenter une troisième fois au bureau exécutif.

Pas question pour le très belliqueux Lassaâd Yacoubi qui a décidé de mener la fronde contre «les neuf membres». Gonflé à bloc après sa réélection à la tête de la puissante fédération de l’enseignement secondaire cet été, il a décidé de mettre tout son art de la guerre syndicale pour faire capoter ce projet allant jusqu’à briser l’omerta et violer une règle sacrée de la nomenklatura syndicaliste tunisienne qui est de ne jamais laver le linge sale de l’UGTT en dehors des murs de l’UGTT. Celui qui fut le cauchemar des ministres de l’Education successifs sera au cours des mois à venir le cauchemar de la nomenklatura syndicale assoiffée de pouvoir.

Lassaâd Yacoubi déterminé à ne pas lâcher le morceau

En défilant son argumentaire bien étayé, le très belliqueux Lassaâd Yacoubi ne manqua pas d’enfoncer le clou en estimant que l’article 121 de «la Constitution de l’UGTT» ne permet la tenue d’un congrès extraordinaire que dans des circonstances extraordinaires alors qu’il n’y en a pas. De plus, pour toucher à l’article 20, il faut que le congrès ordinaire ait décidé par vote la tenue d’un congrès extraordinaire qui sera dédié à la question ce qui n’a pas eu lieu lors du dernier congrès ordinaire tenu en 2017.

Le très belliqueux Lassaâd Yacoubi a tenu, en concluant, a affirmer qu’il le faisait par principe et d’une manière désintéressée et non pas pour vider les places et s’ouvrir un boulevard pour devenir le prochain secrétaire général de l’UGTT. Il a terminé en demandant la médiation du vieux sage de la famille le nobélisé Houcine Abassi, partisan lui aussi de la sacralité de l’article 20 et qu’il ne faut pas le toucher.

On se demandait depuis l’avènement d’Elyes Fakhfakh à La Kasbah où était passé la très bagarreuse UGTT, et bien nous avons la réponse. L’UGTT est le théâtre d’une guerre de pouvoir intestine qui ne finira pas de sitôt.

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