Interviewés par Express FM, une psychologue et un médecin réanimateur sont catégoriques : l’Etat tunisien doit prendre davantage de mesures de prévention et décider immédiatement de confiner le pays pendant 14 jours, pour prévenir la propagation du coronavirus.
Lors du programme « Express Coaching » de la station Express FM du samedi dernier 14 mars 2020, Jihene Jeljeli, psychologue, et Dr. Zakaria Bouguira, médecin réanimateur, ont été consultés sur la situation de peur que ressent la population tunisienne face au danger du coronavirus, en passant par un état des lieux sur les cas annoncés, la sensibilisation de la population dans tous les médias, l’intervention du chef du gouvernement, vendredi 13 mars, la ruée dans les magasins, etc.
La question clé de l’entretien était donc : comment rassurer les citoyens ?
Dr. Bouguira signale que la peur en soi est un instinct de survie, qui est ensuite entretenu et dont il faut prendre conscience. Il rappelle que les symptômes du coronavirus sont plus proches de ceux de la rougeole, que ceux de la grippe qui appartient à une famille différente de virus et qui est l’influenza.
A propos des mesures annoncées par le chef du gouvernement, Elyes Fakhfakh, Dr Bouguira déplore leurs insuffisances pour enrayer «cet ennemi invisible. Les demi-mesures sont pires que pas de mesures du tout».
Il rappelle à cet effet 2 exemples : l’évolution du virus en Chine a été suivie petit à petit, d’où un retard dans son traitement quand la situation s’est aggravée, jusqu’à arriver à tout fermer. D’autres pays comme Taiwan ou Singapour -traumatisés par une épidémie en 2003- ont retenu la leçon et ont réagi différemment en prenant le taureau par les cornes immédiatement en confinant la population, en préparant rapidement l’infrastructure nécessaire, en achetant des milliers de produits de protection, etc., et ont pu ainsi maîtriser la situation. Pour preuve, ces pays ont enregistré très peu de morts, bien que très près des frontières chinoises.
L’Europe a fait autrement et a procédé par étapes, 1 puis 2 puis 3 puis 4. C’est comme si on attend que le virus soit plus fort pour l’attaquer, déplore Dr Bouguira. Aussi, tant que des mesures radicales ne sont pas prises dès le début, le virus continuera à se propager en Tunisie, vu les moyens modestes du pays. Le médecin recommande d’éviter, maintenant et à tout prix, le seuil du débordement car les cas d’infection vont se multiplier chaque jour par 2, comme partout ailleurs dans le monde, car le coronavirus se développe rapidement.
Il faut tenir compte, précise Dr Bouguira, de «la différence entre les cas réels d’infection, et les cas diagnostiqués. Ces derniers sont comptabilisés seulement à partir de 14 jours. Donc, si on parle maintenant de 13 cas par exemple, cela veut dire que ce sont 13 cas d’il y a 14 jours ! Partant de cette base, il y a 240 cas de gens infectés par le coronavirus, qui circulent en ce moment en Tunisie. Par extrapolation, il y en aura 600 la semaine prochaine, 2.150 cas la semaine d’après, et 7.700 cas la semaine suivante, etc. Si l’on veut rassurer les citoyens tunisiens, le gouvernement doit leur dire la vérité. On ne peut demander aux gens d’être responsables et de garder la maison, s’ils ne mesurent pas le danger. C’est le gouvernement qui doit être responsable et prendre des mesures effectives», estime le médecin.
A propos des tests faits à l’Hôpital Charles Nicolle, ils sont faits par une machine (CPR) qui lit les séquences ADN du coronavirus. Il y en a d’autres, des bâtonnets, qu’on introduit sous la langue pour détecter les infections par le virus, comme il y a aussi l’approche clinique qui est celle de scanner le thorax et interpréter ainsi certaines images.
«Des tests ont été faits à cet hôpital en Tunisie, seulement pour les gens qui ont eu un contact avec ceux infectés par le coronavirus, ou ceux venus de l’étranger. Beaucoup de ceux qui ont ressenti des symptômes et qui ont demandé à être testés ont été refusés. Aussi, l’Etat tunisien doit-il vraiment accélérer les mesures et confiner totalement la population pendant 14 jours», recommande Dr Bouguira.
La psychologue Jihene, pour sa part, explique la peur des gens causée par le contexte d’incertitude. Les gens consultent les médias pour se renseigner, ils lisent le nombre morts, et d’autres informations qui alimentent la panique. Aussi, c’est à l’Etat de prendre des mesures simples et efficaces, comme le confinement.
Amina Mkada
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