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Le mythe occidental du «zéro mort» à l’épreuve du coronavirus

Le coronavirus, un être microscopique, a eu le pouvoir de démentir le fameux défi du «zéro mort», si cher aux Occidentaux et de les faire même douter de leur avenir, les obligeant à réviser leurs prévisions triomphalistes sur la croissance indéfinie de l’espèce humaine.

Par Jamila Ben Mustapha *

Nous sommes en train de vivre un scénario lugubre de science-fiction qui ne touche pas seulement un pays, mais toute l’humanité. Le schéma le plus fréquent auquel nous étions habitués était celui de régions de la planète divisées en 2 camps se faisant la guerre, ou plus précisément, en Etats dominateurs agressant des états plus faibles : les pays du Nord contre ceux du Sud, la plupart du temps.

L’humanité embarquée dans la même galère

Or, voici cette humanité curieusement et inhabituellement plongée dans des conditions identiques face à l’adversité, et unie contre un ennemi d’autant plus redoutable qu’il est infinitésimal et très contagieux, le coronavirus : ainsi nous trouvons-nous tous embarqués dans la même galère.

Pour une fois, c’est la similitude entre tous les pays qui remplace leur éternelle opposition, et les faibles n’en reviennent pas de voir les tout-puissants soumis à la même calamité qu’eux.

Vers le milieu du XVIIe siècle, Descartes exprimait son souhait «de rendre l’homme maître et possesseur de la nature», précepte qui ne faisait que théoriser ce qui avait déjà commencé à être mis en œuvre en Europe, depuis la Renaissance : le désir de conquêtes territoriales aussi bien que scientifiques. C’est ce qui a été fait par les Occidentaux de façon continue depuis plus de 4 siècles.

Concernant le premier but, leur histoire a été ponctuée de guerres sanglantes en Europe et ailleurs, les pires ayant été la première et surtout, la deuxième guerre mondiale. L’un de ces pays, la France, ne s’est résigné à renoncer au Vietnam et à l’Algérie qu’après s’être affronté à eux dans 2 terribles conflits.

La seconde guerre d’Irak de 2003 a produit aussi son lot de décès, les pertes ayant toutefois été incommensurablement plus nombreuses du côté des Irakiens que des Américains et de leurs alliés.

Depuis, les pays du Nord se sont apparemment juré, non de se convertir au pacifisme, mais d’appliquer le précepte «zéro mort» dans leurs agressions en trouvant des relais sur place, favorisant ainsi la division de ces pays en 2 camps, les anti et les pro-occidentaux, comme ils l’ont fait en Syrie où ils pratiquent «la délocalisation» pour épargner leurs hommes.

Les morts se comptent désormais par milliers

Une délocalisation militaire s’est donc établie, parallèlement à la délocalisation économique instituée dans de nombreux pays du Sud car source de plus de profit provenant des bas salaires dont se contentent les ouvriers.

Parallèlement, sur le plan sanitaire, leur haut niveau scientifique leur a permis d’éradiquer les épidémies et de réduire au maximum la mortalité des malades et des accidentés de la route.

Or, ce que nous ne faisons que commencer à vivre – l’épidémie mondiale de coronavirus – est inédit. À peine croyable, mais vrai : les pays occidentaux, Europe comme Etats-Unis, connaissent, chaque jour, des morts qui se chiffrent par plusieurs centaines : le 29 mars, les pays les plus touchés, l’Espagne et l’Italie ont enregistré respectivement 838 et 756 nouveaux décès. Les Etats-Unis, quant à eux, ont totalisé en un mois, 2185 morts.

Si les pays du Sud, plus résignés, n’en sont pas à une calamité près, le coup est très dur pour ceux qui concevaient leur avenir sous forme de cyborgs ou d’hommes augmentés, et de conquête d’autres planètes; c’est ainsi que l’historien Y. N. Harari a intitulé son second livre sur l’avenir de l’homme ‘‘Homo deus’’ ou ‘‘L’homme Dieu’’ : pas moins !

Les pays tout-puissants sont en train de subir, en silence, un grand traumatisme aux conséquences multiples et doivent revoir sérieusement leur théorie du «zéro mort». Leur volonté de puissance doit être teintée d’humilité car ils se rendent bien compte, aujourd’hui, qu’ils ne sont pas devenus, loin de là, infaillibles.

Le coronavirus, ce petit être invisible, a eu le pouvoir de démentir leurs pronostics concernant leur avenir, les obligeant à réviser leurs prévisions triomphalistes sur la croissance indéfinie de l’espèce humaine.

* Universitaire et écrivain.

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